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Algérie-Mali : l’impossible rabibochage

Dans un long entretien accordé le vendredi 18 juillet 2025 à la télévision algérienne, le président Abdelmadjid Tebboune a proposé une médiation de son pays dans la crise politico-sécuritaire qui secoue le Mali, son voisin du sud. Par cette offre, le dirigeant algérien exprimait aussi clairement sa volonté de renouer le dialogue avec Bamako, et plus largement avec l’ensemble des pays membres de l’Alliance des Etats du Sahel (AES). Une volonté qui s’inscrit dans une stratégie de repositionnement et de reconquête diplomatique de l’Algérie en Afrique subsaharienne. Mais la tâche s’annonce difficile. Car au-delà des nombreux contentieux qui minent les relations entre Alger et Bamako, le rival marocain semble avoir pris une longueur d’avance, non seulement dans le cœur des Maliens, mais aussi dans celui de l’Afrique subsaharienne.

Lors de son intervention, le président algérien a réfuté les accusations d’isolement que formuleraient certains médias français. Il a cité, en guise de preuve, les bonnes relations que son pays entretiendrait avec des puissances comme les Etats-Unis, la Russie ou encore la Chine. Mais la réalité est plus nuancée que ne veut bien l’admettre Abdelmadjid Tebboune. Notamment face au Maroc, son adversaire historique sur le dossier du Sahara occidental, l’Algérie a essuyé plusieurs revers diplomatiques ces dernières années. Rabat a notamment réussi à faire avaliser ses positions par Israël, l’Espagne et la France.

Et ce n’est pas seulement sur la scène internationale que l’Algérie semble en retrait. Sur le continent africain aussi, elle paraît distancée. A commencer par le Mali, qu’elle a longtemps considéré comme relevant de sa zone d’influence. Ce vaste voisin du sud, où Alger avait réussi à faire adopter l’Accord de 2015 entre Bamako et les groupes indépendantistes de l’Azawad, s’est progressivement éloigné. La junte du général Assimi Goïta a même fini par dénoncer cet accord en 2024. C’est ce passif que Tebboune souhaite manifestement surmonter. Mais l’obstacle est de taille.

Au-delà du rejet de l’accord, une divergence profonde oppose aujourd’hui les deux pays. Tandis que l’Algérie adopte une posture jugée conciliante vis-à-vis des revendications des groupes indépendantistes du Nord-Mali dont elle accueille certains dirigeants en exil, les autorités maliennes, elles, considèrent tous les groupes armés du septentrion comme des terroristes, qu’ils soient d’inspiration islamiste ou autonomiste. Ainsi, aux yeux de Bamako, l’Algérie soutient indirectement les groupes armés et, plus largement, une partie de l’opposition au pouvoir actuel, à l’image de l’influent imam Mahmoud Dicko.

L’incident du drone malien, abattu par l’armée algérienne dans la nuit du 31 mars au 1er avril 2025 à la frontière entre les deux pays, a cristallisé ces tensions. Car au-delà du seul Mali, ce sont l’ensemble des pays de l’AES qui, par solidarité, avaient rappelé dans la foulée leurs ambassadeurs en poste à Alger. En réponse, l’Algérie avait également rappelé ses diplomates accrédités à Bamako et Niamey et différé l’installation celui de Ouagadougou. Un geste d’autant plus paradoxal que, dans le cas du Niger, Alger s’était vigoureusement opposée à une éventuelle intervention militaire de la CEDEAO visant à rétablir le président déchu Mohamed Bazoum après le coup d’Etat de juillet 2023.

Ainsi, pour espérer un quelconque rapprochement avec ses voisins du sud, l’Algérie devra passer des intentions aux actes concrets. Car le Maroc, depuis sa réintégration dans l’Union africaine en 2017, a multiplié les gestes d’ouverture à l’endroit de l’Afrique subsaharienne. De nombreux pays du continent qui ne disposent pas de stades homologués y délocalisent aujourd’hui leurs rencontres sportives internationales, preuve de liens de plus en plus étroits avec Rabat.

A cela s’ajoute un facteur moins diplomatique mais tout aussi révélateur : l’image que les populations sub-sahariennes se font des deux pays. Tandis que des migrants africains dénoncent régulièrement des comportements hostiles, voire racistes, de la part de citoyens algériens, le Maroc est perçu comme plus accueillant, plus tolérant à l’égard des différences de couleur de peau et de culture. Si ces perceptions peuvent sembler anecdotiques ou secondaires, elles traduisent néanmoins l’ampleur du défi auquel l’Algérie est confrontée dans sa tentative de reconquête du cœur de l’Afrique noire. En tout cas, la question des mercenaires pro-russes n’est pas le seul obstacle à la normalisation de l’axe Bamako-Alger.

Boubacar Sanso Barry

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