La drépanocytose est une pathologie héréditaire où, la plupart du temps, les deux parents sont porteurs sains (transmetteurs sans maladie) d’une anomalie de l’hémoglobine, dénommée hémoglobine S. Les deux parents sont AS, ce qui signifie qu’à chaque naissance, il y a une probabilité d’un sur quatre d’avoir un enfant atteint de la maladie SS. Abdoul Karim Oumar Baldé est un jeune activiste engagé dans la lutte contre la drépanocytose. Porteur de cette maladie génétique, il milite pour une meilleure sensibilisation, tant au niveau des communautés que des institutions. Étudiant en master Sciences de l’environnement et secrétaire général de l’association Réseau d’action contre la drépanocytose (READ), il partage avec nous dans cette interview les défis quotidiens auxquels il fait face et son engagement. Et espère éveiller les consciences et apporter un soutien essentiel aux malades.
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Ledjely.com : Vous êtes vous-même un drépanocytaire et un acteur engagé pour cette cause. Pouvez-vous nous dire ce que c’est que la drépanocytose ?
Abdoul Karim Baldé : Pour commencer, il faut savoir que la drépanocytose est une maladie génétique. Caractère autosomique récessif, c’est-à-dire que, pour qu’un enfant soit drépanocytaire, il faut qu’il reçoive le gène anormal de chaque parent, que ce soit la mère ou l’auteur ; chacun doit transmettre 50 %, ce qui fera de l’enfant un enfant drépanocytaire.
La drépanocytose est la maladie génétique la plus répandue au monde, qui touche plus de 50 millions de personnes selon l’OMS et selon la même organisation. Chaque année, il y a 300 000 naissances dans le monde d’enfants avec le gène anormal, qui est le gène S. Au niveau mondial, la prévalence montre quoi ? En Afrique, il y a des statistiques qui montrent pour chaque pays le pourcentage de drépanocytaires estimés. En Guinée, cela montre que nous avons 20 à 25 % des personnes qui ont le gène anormal S. L’agence Drepano Guinée, qui est le centre médical de traitement et de référence en Guinée pour le moment, a fait une étude en 2021 sur la provenance régionale des personnes qui sont traitées. Sur une cohorte de 4 000 patients, ils ont trouvé que 55 % des personnes hospitalisées viennent de la moyenne Guinée, 21 % de la haute Guinée, 15 % de la basse Guinée et 9 % de la Guinée forestière. Bon, le mariage consanguin peut être l’une des causes. Si on fait des mariages sans des tests préalables, on peut se retrouver dans des cas pareils.
Qu’est-ce qui vous a poussé à devenir un acteur engagé de l’ex-contracteur en situation ?
Comme vous venez de le dire, moi-même je suis drépanocytaire, et presque toute ma famille a la maladie. Commençant par mon père qui était SS, ma mère SS, et ils ont eu des enfants. Des enfants dont j’avais deux sœurs qui étaient porteuses de la dizaine SS, et fort malheureusement, qui sont décédés à l’âge de 12 ans pour la première et l’autre à 28 ans, le 1ᵉʳ octobre 2008. C’est celle-là que je connaissais. Moi, je suis SS et tous mes autres frères et sœurs sont AS, et également, il faut savoir que je suis suivi dans des centres de traitement où je suis hospitalisé presque chaque mois, chaque deux mois, chaque trois mois ; ça ne dépasse pas 5 et 10 fois par an pour un traitement, pour un contrôle, et je vois des personnes venir de partout qui souffrent avec la maladie, des enfants, des parents qui sont là inquiets parce que leur enfant souffre, et ainsi de suite. Fort malheureusement, il n’y a pas vraiment de connaissances autour de la maladie au sein de nos communautés. Donc je me suis dit qu’il faut s’engager. Il faut s’engager pour sensibiliser, pour conscientiser les gens. C’est vrai, c’est une maladie génétique, c’est une maladie héréditaire, mais c’est la maladie la plus facile aussi à éviter. Parce qu’il suffit de savoir vraiment ton génotype pour choisir ton partenaire ou ta partenaire. Donc voilà vraiment la raison de mon engagement.
Comment la drépanocytose a-t-elle affecté votre vie quotidienne et quels sont les principaux défis que vous affrontez ?
Il faut savoir que la drépanocytose a affecté mon quotidien et continue de le faire, mais aussi que les défis sont énormes. Parce que si chaque jour tu peux te lever, trouver par exemple que tu es malade, tu peux te coucher en bon état, tout va bien, et une crise se déclenche la nuit. Tu ne sais pas comment le matin va te trouver, ou bien tu as envie de faire certaines choses et tu te rends compte que tu ne peux pas le faire, même si tu veux le faire. Tu es limité, et la maladie t’impose des règles, des conditions de vie, d’hygiène, disons, plus strictes. Il faut toujours faire attention pour ne pas déclencher une crise. Donc ça, ce n’est pas facile à gérer au quotidien. Mais aussi les défis liés aux crises sont énormes. Tu peux faire une crise ; la crise peut aller jusqu’à deux semaines, trois semaines, deux mois ou plus, et donc non seulement tu souffres émotionnellement. Et ton corps souffre, mais aussi, il y a les défis qui sont là, qui peuvent être mieux, je pense, parce que c’est une maladie, quand même, qu’il faut savoir, qui demande beaucoup, beaucoup de choses pour pouvoir aller de mieux, il faut suivre toujours un traitement régulier, un suivi régulier, un contrôle tout le temps, donc c’est des défis vraiment énormes. Par exemple, la maladie m’a fait perdre trois années d’études, malgré que je me sois battu pour arriver là où je suis. Donc, c’était un défi énorme, mais c’est un défi qu’il faut essayer de relever au quotidien pour aller de l’avant, malgré qu’on soit malade.
Comment parvenez-vous à trouver des ressources pour financer votre suivi et votre traitement ?
Vraiment, c’est une question que j’apprécie, parce que c’est l’une des choses qui fait souffrir beaucoup de drépanocytaires, c’est-à-dire trouver un soutien qui est là, qui doit te comprendre, qui t’apporte tout. Il y a le soutien financier qui est très important. Mais il y a un autre soutien que je peux considérer plus important, même plus que le soutien financier, c’est le soutien émotionnel, moral et psychologique. De mon côté, je dis Alhamdoulilah. Certainement, c’est parce que j’ai trouvé que, dans la famille, il y a la maladie et que, que ce soit mes parents ou mes frères et sœurs, ils connaissent tous déjà la maladie et les conséquences de la maladie. Comme je disais au début, mon père est drépanocytaire, il a grandi avec ses frères qui ont connu la maladie avec lui. Il a eu des enfants qui étaient malades, donc ma mère savait mieux comment gérer la maladie. Ensuite, mes frères aînés et sœurs ont connu la maladie à travers nous qui étions malades, qui savaient maintenant comment gérer, donc ils m’ont apporté ce soutien. Donc j’avais besoin, et je les remercie très sincèrement. Également, il y a certains de mes amis qui m’ont vraiment compris et m’ont apporté leur soutien sans condition. Donc là, c’est un soutien que j’ai eu par la grâce. Donc, c’est une chose vraiment importante pour un drépanocytaire. Avec les dépenses qui sont liées, d’autres vraiment trouvent que c’est trop et ont du mal à comprendre ou bien à gérer cette situation.
Avez-vous été confronté à une situation dans laquelle on vous a refusé un travail à cause de votre maladie ?
À cause de la maladie, je ne sais pas comment réagir pour le cas du travail, comme je suis dans les études, mais à cause de la drépanocytose, j’ai perdu des opportunités de stage, par exemple. J’ai déposé mes dossiers dans différentes structures. La structure qui m’a répondu et qui m’a proposé le stage, je devais aller jusqu’à Mamou ou bien à Koundara pour le faire. Vraiment, c’est le stage que je tenais à faire parce que c’est un stage qui rentre directement dans mon programme et qui est en adéquation avec mon projet de recherche et de mémoire. Mais fort malheureusement, à cause de mon état de santé, je ne peux pas aller jusqu’à Mamou ou à Koundara. Parce que si je fais une crise là-bas, mes crises conduisent parfois jusqu’à l’hypoxémie. Donc, j’ai parfois besoin d’oxygène. Si je suis en crise, il faut être branché à l’oxygène pendant 2 ou 3 heures. Et si c’est à Koundara ou à Mamou, ça va être vraiment compliqué.
Quelles leçons tirez-vous de la drépanocytose ?
Pour ce qui est des leçons positives, il faut dire que, quelle que soit la difficulté que nous traversons, quel que soit le problème que nous avons, il faut savoir qu’avec ce problème, on peut en tirer quelque chose. Peut-être que je ne serais pas engagé dans la lutte contre la drépanocytose, la sensibilisation, ainsi de suite, si je n’étais pas drépanocytaire. Mais dans cette difficulté, j’épuise là l’énergie, l’honneur. Le courage, la détermination et l’engagement pour une cause noble. J’étais maître coranique. Avec ma maladie, je me suis battu pour étudier jusque-là. Parce que j’ai le soutien, donc si tu as le soutien, il faut te battre et aller de l’avant. Dire que tout ce qu’une personne normale, en bonne santé peut faire, tu es capable de le faire. Il suffit d’être vraiment positif, psychologiquement prêt pour le faire. Tu peux le faire.
Interview réalisée par Thierno Amadou Diallo