‘’Ita nan bé’’ ou encore ‘’Até wala’’, tels sont quelques-uns des slogans que l’on entend depuis des mois dans le sillage de toutes les mobilisations de soutien au général Mamadi Doumbouya organisées çà et là dans tout le pays. Et ceux qui les chantonnaient y allaient si fort qu’on aurait pu penser qu’ils sont authentiques, que leur solidarité à l’égard du président de la transition est vraie. Sauf que le drame de N’zérékoré nous en apprend autre chose. En effet, ils ne sont visibles nulle part depuis 48 heures. Aucun activiste sur les réseaux sociaux, ni aucun artiste. Même au sein du gouvernement, c’est silence radio. Tant que c’est à boire et à manger, ils sont là en grand nombre. Mais au moindre pépin, c’est chacun sous son abri. Voilà qui devrait inspirer le général Doumbouya lui-même.
L’attitude n’est pas si nouvelle de la part des Guinéens. Moussa Dadis Camara et Alpha Condé l’ont malheureusement appris trop tard. En Guinée, le chef ne doit pas toujours se fier à ceux qui le chantent et l’encensent. Un peu de contradiction, ça n’a jamais été inutile pour éclairer les dirigeants. Il y a qu’en Guinée, depuis quelques mois, un seul camp a la voix au chapitre. Celui de la refondation et du CNRD. Un camp qui ne se prive pas d’exploiter ce monopole de fait à outrance. Ainsi, alors que les opposants, qu’ils soient politiques ou de la société civile, sont en prison ou en exil, ceux qui soutiennent les autorités en place arpentent le pays pour lire le Coran, prier pour le président de la transition et organiser des tournois de football informels portant systématiquement son nom. Et jusqu’au dimanche dernier, ils y allaient avec beaucoup de bruit. Leurs actions étant amplifiées par l’écho à elles donné par les médias d’État en général et la télévision nationale en particulier.
Mais curieusement, depuis dimanche, ils ne sont nulle part. Subitement, c’est le silence total. Maintenant qu’il est question de situer les responsabilités par rapport au drame qui focalise le regard du monde sur la Guinée, il n’y a plus personne. Le tournoi était dédié au soutien du président et la compétition portait son nom, mais désormais, même les documents officiels ne rappellent plus ces spécificités. Hier, c’étaient pourtant des motifs de fierté et de gloire. Mais aujourd’hui, on voudrait ne pas s’en rappeler. Ainsi, le général Doumbouya se retrouve seul, sans fusible. Qui a dit que la victoire a beaucoup de parrains, mais que la défaite est orpheline ? Ô qu’il a été bien inspiré.
De l’inspiration, le président de la transition, lui aussi, devrait tirer de cette attitude de ceux qui prétendent le porter dans le cœur. Il devrait avoir compris qu’ils ne sont pas aussi vrais qu’ils le semblent. Que ce sont les mêmes qui ont accompagné Moussa Dadis Camara jusqu’au 28 septembre et Alpha Condé au troisième mandat. Mais il a fallu que ceux-ci soient en disgrâce pour qu’ils se tournent vers eux, pour aller à la recherche d’une nouvelle proie. Une cible que le général Mamadi Doumbouya devrait s’évertuer à ne pas être. Pour cela, il lui faut intégrer que les amis comme les ennemis ne sont pas toujours ceux auxquels on pense.
Boubacar Sanso Barry
