Mariama Diallo, la soixantenaire, habitait avec sa famille au quartier Dar-Es-Salam bien avant la démolition de sa maison en 2019, sous le régime d’Alpha Condé. Depuis le passage des machines, la rue est devenue son lieu de refuge. Pour subvenir à ses besoins et ceux de sa petite famille, elle est obligée de passer par la mendicité. Au carrefour de l’hôpital de l’amitié sino-guinéenne, elle y passe ses journées sous un soleil de plomb.
Un beau matin, c’est le monde de cette mère de famille qui s’est écroulé. Le déguerpissement de 2019 à Dar-es-Salam, qui reste une cicatrice indélébile gravée à jamais dans la mémoire des Guinéens, l’a privée de tout ce qu’elle possédait, tels que son foyer, sa stabilité, et aujourd’hui, son époux.
« Je me souviens encore de ce jour où ils sont venus nous dire de quitter nos maisons. C’était comme si le ciel nous tombait sur la tête. C’est vrai qu’ils nous avaient prévenus, mais c’était sans nous dire le jour exact de l’opération. Donc, le jour J, nous n’avions pas eu le temps de prendre grand-chose, juste l’essentiel. Je regardais ma maison s’effondrer sous les coups de marteau et je me sentais mourir à petit feu », confie-t-elle, l’air émue.
Dame Diallo vit aujourd’hui dans une maison peu commode. « Je vis dans une petite pièce, si petite qu’il m’est difficile d’y vivre avec tous mes enfants », avoue-t-elle sans gêne. Aujourd’hui veuve et seule, elle parcourt les rues de Conakry avec un sachet noir à la main. « Chaque jour est un combat pour survivre. Je passe toutes mes journées aux bords des carrefours, attendant les personnes de bonnes volontés qui viennent souvent faire des sacrifices ou des dons ici. Je pense fréquemment à mes enfants, à leur avenir. J’aimerais qu’ils puissent aller à l’école, avoir une vie meilleure que la mienne », explique-t-elle.
Les souvenirs de sa vie d’avant, de sa maison, de sa famille, hantent encore Dame Diallo nuit et jour. Chaque pas qu’elle pose est un combat, chaque sou gagné une victoire amère. Son visage, autrefois radieux, est aujourd’hui creusé par les soucis et les privations. « Il m’est même impossible de sourire, car depuis cet incident, j’ai vécu plus de malheurs que de bonheurs. Vous imaginez vivre avec plus de six enfants à nourrir qui n’ont même pas atteint un âge qui leur permet de se prendre en charge », a-t-elle indiqué.
Pourtant, le 14 septembre dernier, le gouvernement guinéen, à travers la Société nationale d’aménagement et de la promotion immobilière (SONAPI-SI) a procédé à la restitution des titres fonciers et des plans parcellaires à ces victimes. Au total, 2673 familles étaient concernées par ce processus de restitution. Cependant, dame Diallo estime que cette opération est une marginalisation à l’endroit des autres victimes comme elle. « Lorsque j’ai appris que les victimes de Kaporo rail, Kipé 2 et Dimesse ont été compensées, j’étais très étonnée que celles de Dar-Es-Salam ne soient pas concernées, sachant que notre situation est aussi alarmante que ces dernières », dénonce-t-elle.
Pour l’essentiel, cette mère de famille sollicite l’implication des autorités afin de soulager beaucoup d’autres guinéens à son image, victime de déguerpissement sans dédommagement.
« Aujourd’hui, nous demandons juste au gouvernement de nous aider, c’est l’un de mes désirs aujourd’hui », lance-t-elle à l’endroit des autorités.
JRI de l’Ombre
