Une note de service interne émise par la Direction générale du Grand Théâtre national, interdisant le port de greffages, de perruques et la pratique de la dépigmentation au sein de l’administration, a déclenché une vive polémique au Sénégal. La mesure, qui visait à « préserver l’image de l’institution » et à « promouvoir les valeurs panafricaines », a rapidement enflammé le débat public, soulevant des questions sur la liberté individuelle, la culture et l’identité. La note, signée par le directeur de l’établissement, précisait que cette interdiction entrait en vigueur immédiatement, avec une « attention particulière à l’application stricte de cette décision ».
La décision a suscité une cascade de réactions, allant de l’approbation fervente à la condamnation catégorique. Interrogé sur la question, Salif Sakhanokho a défendu la position de la direction, soulignant : « Toute entreprise est régie par des codes. Même en Europe, les entreprises imposent des codes vestimentaires stricts ». Il a comparé cette interdiction à celle du port du voile dans certains contextes européens. Il a également exprimé son aversion personnelle pour les greffages, les perruques et la dépigmentation, qu’il perçoit comme une aliénation culturelle et un désir de « ressembler aux Blancs », ignorant selon lui la beauté des cheveux naturels et de la peau africaine.
Toutefois, cette position est loin de faire l’unanimité. De nombreux citoyens ont fustigé la note sur les réseaux sociaux, qualifiant le directeur de « dictateur » plutôt que de « directeur ». Les critiques ont pointé un amalgame douteux entre religion, morale personnelle et panafricanisme, arguant que le responsable n’avait pas le droit de restreindre les libertés individuelles dans une institution publique financée par les impôts des contribuables sénégalais.
Sur Facebook, un internaute a remis en question les fondements administratifs et juridiques de la note, suggérant ironiquement que, si l’objectif était de « valoriser la culture africaine », la logique devrait s’étendre au personnel masculin en interdisant le port de chemises, pantalons, jeans, cravates et autres accessoires non « panafricains ».
Un autre a renchéri en critiquant l’architecture même du Grand Théâtre, qu’il a jugée non africaine, la comparant à une construction d’inspiration chinoise. Pour lui, la cohérence culturelle devrait commencer par les infrastructures.
Face à l’ampleur de la controverse, le ministère de la Jeunesse, des Sports et de la Culture est intervenu. La Direction générale du Grand Théâtre national a publié une déclaration ce mardi 15 juillet 2025, précisant que la note visait à « encourager une appropriation par le personnel des valeurs fondamentales de l’établissement au regard de ses missions » et à « suggérer un cadre cohérent, respectueux de sa vision institutionnelle ».
Cependant, reconnaissant que la note, « sortie de son contexte professionnel, a pu prêter à confusion ou susciter un sentiment d’exclusion », la Direction générale a exprimé ses regrets. Sur instruction de la tutelle, la note de service a été retirée afin de « garantir la conformité avec la loi et la protection des droits des femmes ».
Binty Ahmed Touré