La Conférence des Nations unies sur le financement du développement, qui se tient depuis hier à Séville (Espagne), intervient dans un contexte particulièrement sensible. Jusqu’au 3 juillet, différents acteurs étatiques, institutionnels, du secteur privé et du monde des ONG s’y réunissent pour tenter de pallier une baisse drastique des ressources dédiées à des impératifs de développement plus que cruciaux. Cette rencontre revêt d’autant plus d’importance qu’elle coïncide avec une crise sans précédent du multilatéralisme et de la solidarité mondiale. Mais en Afrique, la question de l’aide au développement ne se résume pas à la seule diminution des flux financiers venus du Nord. Les acteurs du continent s’interrogent aussi sur l’efficacité réelle de cette aide, sur ses véritables objectifs et sur les conditionnalités qui y sont systématiquement associées. Dans un contexte où le continent peine à faire émerger des alternatives locales solides et à sécuriser les maigres ressources qu’il génère, il se retrouve face à une équation quasiment insoluble.
En janvier dernier, lorsque le président américain Donald Trump a annoncé, peu après son investiture, la suppression de la quasi-totalité des ressources de l’USAID, l’indignation a été immédiate et mondiale. Pourtant, si cette décision, inédite par son ampleur, a choqué, elle s’inscrivait dans un débat déjà ancien sur l’efficacité et la légitimité de l’aide publique au développement. En Afrique, cette remise en question n’est pas nouvelle. Depuis plusieurs années, la pertinence même de ces fonds venus du Nord est débattue. Certains y voyant surtout un outil d’influence, voire un instrument de domination destiné à maintenir la dépendance des sociétés et des dirigeants de la périphérie. D’autant que les programmes financés par ces ressources sont rarement définis selon les priorités locales, mais bien souvent imposés par les bailleurs de fonds.
Le drame du continent, c’est que, malgré cette prise de conscience, ses marges de manœuvre restent très limitées. Peu présents dans les circuits du commerce international pour en tirer des bénéfices significatifs, lestés par une dette dont le poids freine les capacités d’investissement, les pays africains souffrent aussi d’une faible capacité de mobilisation de leurs ressources internes. Une faiblesse souvent attribuée à l’hypertrophie du secteur informel et à l’absence de réformes fiscales audacieuses. Pis encore, les ressources effectivement mobilisées sont bien souvent dilapidées, victimes de la corruption, du clientélisme et d’un manque criant de gouvernance.
Tout se passe donc comme si le développement du continent africain relevait davantage du mirage que d’une réelle perspective. Pris en étau entre, d’une part, des partenaires extérieurs plus enclins à dicter leurs priorités qu’à soutenir une véritable autonomie, et, d’autre part, des élites locales souvent dénuées de vision, de rigueur et de sens du bien commun, l’Afrique semble condamnée à rester prisonnière d’un modèle de dépendance.
Si l’Afrique veut donc sortir du piège de l’aide, elle devra commencer par construire elle-même les clés de sa libération : investir dans l’éducation, renforcer ses institutions, mobiliser ses ressources internes, et surtout, exiger de ses dirigeants une vision claire, intègre et tournée vers l’intérêt collectif. Car tant que la dépendance sera la règle, le développement ne pourra être qu’un leurre. Mais quand on parle ici d’indépendance, il n’est surtout pas question de celle qui sert de prétexte aux pseudo-souverainistes qui pullulent ces dernières années en Afrique.
Boubacar Sanso Barry