On voit bien avec quelle emphase les partisans de l’apaisement, au sein du couple de l’exécutif sénégalais, reprennent en chœur la dernière sortie du président Bassirou Diomaye Faye, à l’occasion de la cérémonie de remise du rapport général du dialogue national sur le système politique. C’est là une attitude tout aussi louable que compréhensible. Car le Sénégal ne sortirait pas grandi d’une guerre entre le chef de l’État et son Premier ministre. Pour autant, on est encore loin de la grande idylle.
Certes, Diomaye Faye a semblé vouloir éteindre le feu. Mais derrière, dans un message plus subliminal, c’est bien une réplique qu’il a adressée à son Premier ministre. A ce dernier, comme aux Sénégalais, il s’est posé en chef d’Etat soucieux des préoccupations quotidiennes de ses compatriotes, plutôt que des batailles d’arrière-garde que semble mener Sonko. Et alors que ce dernier lui reproche de ne pas le défendre face à la justice et aux attaques de la presse, Diomaye rétorque que son combat est orienté vers « la libération de la justice, la défense des libertés et la préservation des valeurs démocratiques ».
Là où certains croient voir une réconciliation, il y a en réalité une différence assumée de la part du président sénégalais. Et c’est peut-être maintenant que les choses vont vraiment se corser entre Bassirou Diomaye Faye et Ousmane Sonko. Car on pouvait le sentir : le chef de l’Etat qui s’est exprimé ce lundi a très peu goûté à la charge de son Premier ministre. Derrière les mots, un agacement était perceptible. Diomaye en a assez d’être réduit à un simple exécutant des idées lumineuses du charismatique chef du PASTEF.
Ce n’était peut-être pas flagrant dans la forme, mais dans le fond, le président de la République sénégalaise semble désormais résolu à se libérer de l’emprise inhibitrice de Sonko. Autrement dit, la dégradation des relations entre les deux hommes n’en est peut-être qu’à ses débuts. Car Diomaye semble nous dire qu’il n’entend plus s’aplatir.
Pour cela, il commence à assumer ses choix. Même lorsqu’ils ne correspondent pas aux priorités du chef du gouvernement. Que celui-ci passe son temps à se plaindre de la justice, des opposants ou de la presse, libre à lui. Mais le président, lui, affirme que ses priorités ne sont pas les jérémiades de Sonko, mais bien la satisfaction des souffrances et des attentes des Sénégalais.
Après tout, il est curieux qu’un Premier ministre d’un régime qui se veut de rupture consacre autant de temps à dénoncer des attaques à son encontre, pendant que des millions de Sénégalais attendent encore de toucher du doigt le changement promis. Heureusement, à la demande de Sonko en faveur d’une justice instrumentalisée, d’un musellement de la presse et d’un verrouillage démocratique, Diomaye a opposé un niet catégorique.
Désormais, si entente il doit y avoir, ce sera dans le respect que chacun doit à l’autre. En tout cas, Diomaye Faye, même s’il a usé d’une élégance qui avait cruellement manqué à Sonko, a clairement fixé la ligne à ne pas franchir. Il est indiscutable qu’il doit son élection à l’adoubement de sa candidature par Ousmane Sonko. Mais ils demeurent avant tout des compagnons de lutte. Et le mentorat tant invoqué ne donne à personne le droit de le jeter en pâture, comme s’il n’avait aucun mérite dans la bataille du PASTEF. Ou même aucun amour-propre. C’est à cette négation-là de sa personne qu’il dit stop dans sa sortie du lundi.
Boubacar Sanso Barry