À l’issue de la 66ᵉ session des chefs d’État de la Cédéao, tenue le 15 décembre à Abuja, l’organisation ouest-africaine a exhorté les autorités guinéennes à « accélérer la mise en œuvre de la feuille de route pour le retour à l’ordre constitutionnel de manière inclusive et participative ». Cependant, cette demande intervient dans un contexte marqué par une transition prolongée au-delà de l’échéance prévue du 31 décembre 2024 et suscite de vives réactions parmi les acteurs politiques guinéens.
Pour Mamadou Oury Diallo, président du Mouvement des patriotes libéraux (MPL), la CEDEAO apparaît affaiblie et hésitante dans sa gestion de la transition guinéenne. « C’est une CEDEAO désavouée, sonnée et diminuée qui s’est mollement exprimée sur la transition en Guinée, sans doute l’effet du départ fracassant des trois pays, notamment le Mali, le Burkina et le Niger, qui forment désormais la confédération des pays de l’AES », déclare-t-il. Il critique également l’absence de clarté dans les recommandations de l’organisation. « On s’attendait à ce que de façon claire, la Cédéao fasse le constat de la fin très prochaine, dans quelques jours seulement, de la durée de la transition qu’elle-même avait conclue dans un accord signé avec le CNRD. Mais au lieu de cela, elle demande l’accélération du processus de retour à l’ordre constitutionnel de façon inclusive et participative », ajoute-t-il.
L’avenir de la Guinée, estime l’acteur politique, repose désormais sur les dynamiques internes et non sur une organisation qu’il qualifie de versatile. « Il revient désormais aux dynamiques internes locales et au CNRD de mettre le bien et la stabilité du pays au-dessus de tout ce qui a divisé les différentes parties jusque-là, pour éviter la survenance d’éventuelles tensions sociopolitiques. Par conséquent, le général Mamadi Doumbouya devra sortir à temps de son mutisme, afficher clairement cette volonté et en donner le ton », soutient-il.
De son côté, Aboubacar Demba Dansoko, membre du bureau politique national du RPG Arc-en-Ciel, dénonce une complicité entre la Cédéao et la junte guinéenne. Selon lui, l’organisation est devenue un outil au service des intérêts étrangers, au détriment de la souveraineté des peuples ouest-africains. « La Cédéao est en train de montrer qu’elle n’est pas la Cédéao des pères fondateurs. Elle montre depuis un bon moment maintenant qu’elle est une organisation à la solde de l’extérieur », affirme-t-il, avant d’ajouter : « La Cédéao se moque de la Guinée. Venir pour parler d’inclusivité après plus de trois ans d’une gestion calamiteuse dont elle est le garant est une façon de rabaisser la Guinée ».
Dansoko critique également le rôle de l’envoyé spécial de la Cédéao, l’ancien président béninois Yayi Boni, qu’il accuse d’avoir ignoré les acteurs politiques guinéens. « Il a toujours, comme une souris, rencontré la junte et ses acolytes en catimini. Cet émissaire n’a jamais été recadré par son mandataire pour dire qu’il faut privilégier l’inclusivité. Jamais ! », dit-il.
Face à ces critiques, les observateurs s’interrogent sur la capacité de la Cédéao à jouer un rôle constructif dans le processus de transition. Pour Dansoko, la solution ne viendra pas de l’extérieur. « Je pense que la Cédéao ne peut poser aucun acte pouvant aider la Guinée dans cette situation. C’est aux Guinéens de prendre conscience », conclut-il.
Thierno Amadou Diallo