Ce soir, quand il sera minuit, le monde basculera dans une nouvelle année. Ce mardi offre donc l’ultime occasion de jeter un regard sur ce que cette année 2024 aura été pour le continent africain. Et comme tout bilan, on peut dire de cette année à laquelle nous nous apprêtons à dire au revoir qu’elle a certes donné des raisons de continuer à espérer aux Africains. Mais dans l’ensemble, elle a confirmé que dans bien de secteurs, il y encore du chemin à parcourir. De la question de la souveraineté du continent, redevenue un thème nodal dans les débats, aux problématiques se rapportant au changement climatique, en passant par les enjeux démocratiques ou de la stabilité des différents pays, 2024 aura globalement été une nouvelle année de défis pour l’Afrique.
L’année 2024 aura particulièrement permis la poursuite du débat sur la problématique de la souveraineté de l’Afrique. Cette thématique symbolisée par la crise entre les pays de l’AES et la France en particulier et le camp occidental en général s’est de nouveau imposée cette année. D’autant qu’elle s’est étendue au Sénégal et au Tchad où les nouveaux dirigeants ont récemment exigé de l’armée française qu’elle plie les bagages. Quoiqu’à l’exception du Sénégal, le souverainisme défendu s’apparente davantage au renvoi de Paris au profit de Moscou. Par ailleurs, dans certains cas, cette nouvelle mantra souverainiste relève plus d’une posture populiste dont l’objectif est d’aider à la légitimation d’une nouvelle dictature. Ce, d’autant que dans le cas des pays de l’AES, ce n’est pas qu’à Paris ou à Washington qu’on en veut. On fait aussi le choix de se retirer de la CEDEAO présentée un peu trop facilement comme un « valet de la France ».
Ce même souverainisme au nom duquel la démocratie est ouvertement remise en cause dans bon nombre de pays africains. A commencer bien entendu par ceux en transition militaire. Si le Tchad vient de refermer cette période exceptionnelle avec les élections législatives, provinciales et municipales de dimanche dernier, dans la quasi-totalité des autres pays, nous en sommes désormais à des transitions à durée indéterminée. 2024 ayant permis aux militaires de renforcer leur emprise dans chacun des pays. Toutefois, il n’y a pas que dans les Etats pilotés par les militaires où la démocratie a été mise en péril au cours des 12 derniers mois. Les élections en Tunisie et au Mozambique, de l’avis des observateurs, n’auront pas respecté les standards en la matière. Au Sénégal, il importe de saluer une nouvelle fois la lutte héroïque mené par le peuple pour annihiler les menaces que l’ancien président Macky Sall faisait planer sur l’exemplarité que ce pays incarne désormais. A l’inverse, l’Île Maurice, le Ghana ou encore le Bostwana nous ont offert des scrutins qui permettent d’espérer.
Par contre, le Soudan et la République démocratique du Congo, deux des plus vastes pays du continent, pour leur part, nous inspirent un immense désespoir. Continuant leur guerre fratricide, les frères ennemis soudanais ont provoqué au cours de cette année 2024 une des pires cries humanitaires du monde. De même, en RD Congo, alors que le M23, soutenu par le Rwanda, a continué à semer mort et désolation dans l’est du pays durant toute l’année qui s’en va, il y a que depuis quelques jours, ce sont les djihadistes des ADF qui ont repris leurs sordides exactions sur les paisibles populations. Pendant ce temps, le président Tshisekedi, insensible aux cris de cœur de ses compatriotes, est déjà en quête du troisième mandat.
Et bien sûr, dans un tel contexte, les problématiques essentielles que sont l’éducation et la santé des populations sont reléguées au second plan dans nombre de pays du continent. Les Etats confondus aux régimes politiques, se préoccupant davantage de la conquête et de la jouissance du pouvoir. Alors même qu’un nouvel ennemi, plus dévastateur, s’installe progressivement au cœur du continent : le changement climatique. Envisagé à la fois avec indifférence et fatalité, il s’est manifesté au cours de l’année par le biais des fortes chaleurs, de inondations meurtrières et des cyclones qui détruisent tout sur leur passage.
Espérons que 2025 nous réserve de meilleures perspectives. Mais c’est là un vœu qui ne s’accomplira que si les Africains eux-mêmes se mettent dans des dispositions qui permettent qu’il advienne. Ainsi soit-il
Boubacar Sanso Barry