Décidément, le président français, Emmanuel Macron, a une fâcheuse tendance à aggraver son cas et partant, celui de son pays. Nicolas Normand, ancien ambassadeur de la France au Mali, au Sénégal et au Congo ne croyait pas si bien cerner Macron quand, chez nos confrères de RFI, il déclarait que le président français « a cru que l’intelligence pouvait remplacer l’expérience ou la connaissance ». Une façon subtile pour un diplomate aguerri de dénoncer l’interventionnisme de plus en plus agaçant de Macron dans la sphère de la politique étrangère de son pays. Et si cette immixtion est de moins en moins acceptée, c’est parce qu’elle s’accompagne d’une maladresse et d’écarts qui se révèlent préjudiciables à l’image et aux intérêts de la France. En témoigne cette sortie malencontreuse du président Macron dans laquelle il dénonce ‘’l’ingratitude’’ des Africains. Rien que ça ! De la part d’un dirigeant qui, ces dernières années, a essuyé bien de revers sur le front africain, c’est bien surprenant.
Macron n’a pas le sens de l’histoire
Comment est-ce possible, un discours empreint d’autant d’arrogance et de dédain ? Comment le président Emmanuel Macron peut-il traiter les dirigeants africains d’ingrats, surtout après le discours de Dakar et même sa propre sortie à Ouagadougou, au début de son premier mandat ? Comment se fait-il que, lui, dont le pays et les soldats se font renvoyer de partout en Afrique, puisse tenir un tel discours ? Soit Emmanuel Macron fait dans l’entêtement, soit il s’agit d’une provocation. Mais dans tous les cas, c’est maladroit. A l’heure où le monde est en pleine recomposition, ce n’est pas le discours qu’il faut tenir, surtout pas de la part de la France. Mais c’est peut-être cela le problème de Macron. Il n’a pas le sens de l’histoire. Il n’intègre pas suffisamment tout ce que son pays doit à l’Afrique. Autrement, la lucidité qu’il a invoquée plus d’une fois au cours de son discours devant les ambassadeurs, il en aurait davantage usé quand il doit parler de l’Afrique. Ainsi donc, les dirigeants africains auraient dû se prosterner devant le roi Macron, pour lui signifier la reconnaissance de l’Afrique à la grande France pour l’avoir sauvée du péril terroriste ! Quel cliché ! Surtout, quel décalage avec l’image qu’on se fait aujourd’hui de la France en Afrique !
Macron, symbolisme d’immobilisme des relations France-Afrique
Cette prétention, fruit d’une affligeante méconnaissance des dynamiques en cours en Afrique, n’est malheureusement pas contreproductive que pour la France. Elle l’est même davantage pour les pays africains, déjà en proie à des défis qu’ils peinent à maîtriser. En effet, après un tel discours, comment réfuter l’image de « valet de la métropole » que certains collent si facilement à bien de dirigeants de chez nous ? L’on comprend dès lors pourquoi Mahamat Idriss Deby Itno, lui-même, n’hésite pas à chasser les soldats français du Tchad. Et que la même dynamique soit en cours en Côte d’Ivoire, après le Sénégal. Aussi jeune qu’il soit, Emmanuel Macron n’en est pas moins le symbole d’un certain immobilisme dans les relations franco-africaines. Le dirigeant français préférant de loin l’approche cosmétique et superficielle des reformes dans les relations entre son pays et l’Afrique. Ce qui rend plus compréhensible la radicalisation avec laquelle certains de nos dirigeants font valoir leur rejet de l’ancienne puissance tutélaire. Quitte, au passage, à se jeter dans les bras d’un autre maître ou à se muer, eux-mêmes, en nouveaux tyrans. Et c’est bien là le pire auquel nous expose cette arrogance d’Emmanuel Macron. Décidément, un président bien en deçà de ce que la France est en droit de prétendre
Boubacar Sanso Barry
