La Guinée est en proie à une crise profonde, exacerbée par des scandales financiers impliquant aussi bien des figures du régime précédent que des membres du pouvoir actuel. Des enquêtes sur des détournements de fonds et des actes de corruption sont en cours, et plusieurs responsables ont été incarcérés.
Souleymane Souza Konaté, président de la commission Communication de l’Alliance nationale pour l’alternance démocratique (ANAD), analyse les causes de cette crise. Selon lui, trois facteurs expliquent cette épidémie de détournement en Guinée.
La première cause réside dans les erreurs de casting dans les nominations. « Les nominations aux hautes fonctions publiques sont souvent guidées par le favoritisme et des critères subjectifs, au détriment de la compétence et du mérite », déclare Konaté. Ce phénomène mène à l’arrivée de cadres incompétents, incapables de gérer efficacement les dossiers administratifs et de prendre des décisions éclairées. Cela paralyse l’administration publique et empêche le pays d’avancer. « Les personnes en charge de la gestion du pays ne sont pas à la hauteur de leurs responsabilités, et le résultat est une administration inefficace qui freine tout développement ».
En second lieu, c’est l’absence d’enquêtes de moralité. « De nombreuses personnes accèdent à des fonctions stratégiques simplement en raison de leurs relations avec les décideurs, sans aucune vérification de leur éthique ou de leur passé », explique Konaté. Cette absence de contrôle permet à des individus potentiellement corrompus de prendre le pouvoir, renforçant ainsi un système où l’impunité domine. Selon lui, cela conduit à une augmentation des pratiques de corruption et de détournement de fonds publics, ce qui érode la confiance des citoyens et nourrit la mauvaise gouvernance. « Il est essentiel que la Guinée adopte un système de vérification rigoureux avant toute nomination à des postes de responsabilité », insiste-t-il.
Enfin, un autre facteur aggravant est la prolifération des mouvements de soutien au président Mamadi Doumbouya. Ces mouvements, qui fleurissent à travers le pays, sont souvent financés par des fonds publics sous prétexte d’organiser des événements sportifs ou culturels. « Ces événements sont utilisés pour détourner de l’argent public au lieu de répondre aux véritables besoins de la population », dénonce Konaté. Les dépenses engagées ne bénéficient pas aux citoyens, mais plutôt à des structures politiques qui renforcent le système clientéliste. « Ces fonds gaspillés contribuent à une précarité économique déjà endémique, alors que le pays pourrait investir dans des projets d’infrastructure, d’éducation ou de santé », ajoute-t-il.
Les conséquences de cette gestion sont dramatiques. Plusieurs jeunes guinéens ont quitté le pays à la recherche d’opportunités, fuyant un chômage galopant et un pouvoir d’achat qui s’effondre. « Les familles vivent dans la misère, l’espoir d’un avenir meilleur semble s’éloigner chaque jour un peu plus », déplore Konaté. Tandis que les élites détournent les ressources, le peuple continue de lutter pour sa survie dans un environnement où la pauvreté et l’instabilité dominent.
Pour sortir de cette impasse, Konaté appelle à des réformes urgentes et structurelles. « Il est impératif d’instaurer une gouvernance basée sur la compétence, l’intégrité et la transparence », affirme-t-il. Cela passe par la mise en place de mécanismes de contrôle rigoureux et de processus de nomination basés sur le mérite. Le gouvernement doit aussi renforcer l’indépendance de la justice et garantir des sanctions contre les responsables de corruption. « Sans une remise en question radicale du système, la Guinée ne pourra pas se relever », prévient-il.
Thierno Amadou Diallo