Le ton est monté ce jeudi 10 juillet au sein de la coalition au pouvoir. Le Premier ministre Ousmane Sonko, lors d’une réunion du parti Pastef, a brisé le silence sur les tensions croissantes avec le président Bassirou Diomaye Faye. Une sortie publique rare, directe et lourde de conséquences politiques.
« Ce qui se passe n’est ni bon, ni élégant ». C’est avec ces mots que le chef du gouvernement sénégalais, Ousmane Sonko, a ouvertement exprimé son malaise face à ce qu’il décrit comme une dérive dans la gestion du pouvoir. Devant les militants du Pastef, Sonko a mis en lumière un malaise grandissant entre lui et le chef de l’État, pointant du doigt une série de manquements à un pacte fondateur, scellé avant leur accession au pouvoir.
Revenant sur l’origine de leur entente politique, Sonko a évoqué un accord tripartite entre lui, Diomaye Faye et El Malick Ndiaye, président de l’Assemblée nationale. « Ce qu’on s’est dit, seul Dieu est témoin », a-t-il affirmé, insistant sur le caractère sacré de cet engagement. Un pacte qu’il accuse certains de vouloir aujourd’hui trahir en initiant des manœuvres de positionnement pour 2029. « Ils vont à Touba et un peu partout pour recruter des militants pour 2029. Pourquoi 2029 ? », s’est-il interrogé, dénonçant sans nommer ceux qui, selon lui, anticipent déjà la fin du mandat.
Dans un ton empreint de tension, le Premier ministre a avoué avoir tenté de gérer la situation dans la discrétion : « Moi, j’ai longtemps encaissé. Je suis allé voir le président Diomaye Faye. Ce qui se passe actuellement, il peut l’arrêter quand il le souhaite. Pourquoi il ne l’a pas fait ? Ça, c’est une autre question ».
Plus qu’un simple rappel à l’ordre, cette déclaration sonne comme un appel à la clarification. Sonko semble reprocher au président un manque de fermeté face à ceux qui, au sein même du pouvoir, agissent contre l’esprit initial du projet Pastef.
Alors que des rumeurs de démission circulent, Sonko a balayé toute ambiguïté. « Ils pensent pouvoir me pousser vers la sortie, mais c’est peine perdue. J’ai une responsabilité », a-t-il souligné. Rejetant toute idée de retrait, il a rappelé son rôle déterminant dans la victoire électorale : désignation du candidat, campagne électorale, et majorité parlementaire.
Tout en reconnaissant l’autorité constitutionnelle du président, il prévient : « Le jour où il n’aura plus confiance en moi, je partirai. Mais je retournerai à l’Assemblée nationale ». Une manière de rappeler qu’il garde toujours une assise politique indépendante. « Je suis théoriquement le chef de la majorité parlementaire, je suis le chef du gouvernement, et personne n’est plus apte que moi. Je ne vais nulle part », a-t-il insisté.
Dans une seconde partie de son intervention, Ousmane Sonko a ouvert un autre front : celui de la discipline interne. Face à ce qu’il considère comme une perte de repères, il a averti : « Au Pastef, on se dira les vérités. Sinon, nous remonterons les choses aux instances supérieures et aux militants ».
Prenant à témoin El Malick Ndiaye, il affirme avoir tenté des démarches pour préserver l’unité du parti. « Nous n’accepterons plus que des fumiers nous insultent », a-t-il lancé dans un ton tranchant, exigeant que « le président Diomaye prenne ses responsabilités, ou je les prendrai ».
Le divorce semble-t-il être consommé entre Sonko et Diomaye ? Rarement un Premier ministre sénégalais n’aura exprimé de manière aussi ouverte son désaccord avec le président en exercice. Si elle marque une tentative de réaffirmer son leadership, elle met aussi en lumière les failles d’une alliance jusque-là présentée comme solide.
N’Famoussa Siby
