Depuis la création à la Présidence d’une Direction de la communication et de l’information, le 6 décembre 2021, la Guinée renoue avec les vieilles pratiques de propagandes mensongères. Après le plagiat de l’identité visuelle du département d’Etat américain, la tribune de 15 minutes lue à la RTG, l’allocution de Mamadi Doumbouya dans une salle de classe, c’est une nouvelle insulte à l’intelligence qui vient d’être abondamment relayée par les médias guinéens sous l’appellation de tribune. Ces actes ne relèvent aucunement de la communication et traduisent malheureusement un certain degré d’ignorance manifeste du métier de communication publique.
Le fameux « Inspecteur Colombo » peine toujours à comprendre que la communication et par extension l’information au sens du journalisme, n’a pas vocation à user de formules creuses et touffues pour flatter l’égo d’un chef de la junte dans un pays de tous les paradoxes. Il est désormais de notoriété publique que le Dircom de la Présidence fait tout sauf le travail pour lequel il a été recruté. Pour sauver la face, il serait sage de démissionner que d’accumuler autant de contre-sens communicationnels. Il est peut-être des âmes que Hugo décrivait dans Les Misérables : « Il existe des âmes écrevisses reculant continuellement vers les ténèbres, employant l’expérience à augmenter leur difformité, empirant sans cesse, et s’empreignant de plus en plus d’une noirceur croissante ». Face aux nombreuses fautes répétées et continues de la DCI, le silence pesant de Mamadi Doumbouya, un excellent récitateur, pose la question de son niveau et de sa capacité managériale.
Décryptage d’une tribune qui donne des céphalées, tant par la forme que par le fond…
Cette fanfaronnade de la DCI est très difficile à lire. C’est un concours de gros mots, de phrases toutes faites, de locutions inappropriées et de tournures mal construites, sans parler des expressions alambiquées. C’est surtout un faux procès fait à Jeune Afrique dont « le papier mis en cause » n’est pas un article de presse. Les propos ne sont pas du magazine mais de l’ancien ministre centrafricain de la Communication qui prédit une fin de Mamadi Doumbouya à l’image de celle qu’a connue Moussa Dadis Camara.
En Guinée, la seule manière d’impressionner est de mettre dans son texte une grande quantité de mots difficiles ou d’en faire valoir à l’oral. Cela permet à l’auteur comme « l’Inspecteur Colombo », de se convaincre grand intellectuel et de croire posséder un certain niveau qu’il n’aurait pas. Or, ce pédantisme est le fait des petits esprits qui n’ont rien à offrir et qui sont dépourvus de toute faculté à réfléchir par eux-mêmes et à penser. C’est en réalité une bonne façon de cacher leurs limites intellectuelles ou du moins leur incompétence. Cette tribune est aussi remplie d’approximations, d’essentialisations et de contre-vérités.
Le pédantisme, le compagnon fidèle des imposteurs
- « Face aux galéjades d’une certaine presse (JA) stipendiée par des forces de destruction massive, rétives aux changements, le président de la Transition guinéenne, Colonel Mamadi DOUMBOUYA reste tranquille comme Baptiste. D’un calme olympien, il utilise le silence pour donner plus de relief à ses actes qui font tilt ». § 1
Dès le début du texte, on est tout de suite frappé par cet enchaînement de mots inappropriés, de comparaisons mal venues et de métaphores pompeuses qui rendent la lecture très difficile. Aucune sobriété, pourtant critère premier en communication. Cette lourdeur du texte se ressent au fil des paragraphes et on se demande parfois de quoi parle-il. Une tribune est l’équivalent d’un message. Quand il écrit dans une même phrase « galéjades », « stipendiée », « forces de destruction massive », « tranquille comme Baptiste » et dans la seconde phrase « il utilise le silence pour donner plus de relief à ses actes qui font tilt », cela prête à sourire et c’est bien triste pour un service à la présidence dont la réputation est ébranlée. Au fond, c’est nul comme procédé d’écriture.
- « Dans la peau de nouvel homme fort de Conakry, ses premiers mots sont rassurants, et ses actes préliminaires, prémonitoires d’une Guinée qui va faire sa mue: les Guinéens habituellement divisés et houspillés sous l’ancien régime, apprennent à conjuguer désormais le langage de l’unité et du rassemblement sous l’impulsion de leur nouveau leader. La libération des détenus politiques et d’opinions conjuguée au retour des exilés apparaît comme un signe manifeste de détente qui s’arrime à sa volonté d’unir les Guinéens ». Extrait § 2
Ignorant l’origine médiatique de « nouvel homme fort », celui qui se fait appeler maintenant « communicant » (une usurpation de titre) doit savoir que ce terme renvoie aux putschistes et aux dictateurs. Il consent donc que son patron Mamadi Doumbouya en serait un. Comme dans le premier paragraphe, Monsieur pédantisme semble se plaire dans un style d’écriture très pauvre. « Ses actes préliminaires, prémonitoires d’une Guinée qui va faire sa mue ». Cela ne veut rien dire ! « Les Guinéens habituellement divisés et houspillés sous l’ancien régime, apprennent à conjuguer désormais le langage de l’unité et du rassemblement sous l’impulsion de leur nouveau leader ». FAUX ! Mamadi Doumbouya est le fruit du régime Alpha Condé. Caporal dans l’armée française, Alpha Condé a fait de lui colonel au fil des stages qu’il a effectués à l’étranger. D’ailleurs, la vitesse avec laquelle il est monté en grade est hallucinante. Mamadi Doumbouya est le chef de la junte militaire et non un leader. Alors commandant de l’unité des Forces spéciales, il est accusé par le FNDC d’avoir participé aux tueries des manifestants à la faveur du double scrutin législatif et référendaire ainsi qu’au moment de la présidentielle ayant abouti au 3e mandat du président déchu. Une vidéo du colonel Doumbouya circule sur les réseaux sociaux, où on le voit jeter des corps de militaires vraisemblablement guinéens. Même pour les morts, l’actuel chef de la junte ne semblait point avoir du respect. Alors le présenter comme un messie est une maladresse.
Les mensonges de la DCI
- « Dans la Guinée qui sort peu à peu de sa torpeur et de sa longue léthargie, la machine bien rodée des détournements de deniers publics semble grippée. Les pratiques qui la sous-tendent sont désormais clouées au pilori à la grande satisfaction de la majorité des Guinéens. Pour le président du CNRD, ‘’être investi de responsabilités publiques n’est pas un chèque en blanc pour chaparder impunément l’argent du contribuable guinéen ou pour s’attribuer à loisir des biens appartenant à l’Etat’’. Dès lors, nettoyer les écuries d’Augias se présente comme une planche de salut public. La campagne de récupération des biens de l’Etat démarre sous les chapeaux de roue. Elle touche anonymes et des figures connues d’anciens régimes dont Cellou Dalein Diallo, leader de l’UFDG, Sidya Touré, président de l’UFR, Amadou Damaro Camara, haut responsable du RPG (ancien parti au pouvoir), tous priés de libérer les lieux squattés. Un scénario naguère inimaginable dans un pays où le règne des privilèges a généralement valeur de loi. » § 3.
Soutenir qu’il n’y a pas de détournement et de corruption en Guinée au motif que la transition serait parvenue à freiner le système mafieux qui mine l’administration guinéenne n’est pas juste. S’est-il une fois posé la question ou a-t-il cherché à savoir parce que, « Grand enquêteur », qui des dirigeants de la transition et membres du CNRD auraient déjà acheté des appartements à Abidjan ?
La campagne de récupération des biens qui appartiendraient à l’Etat a été ponctuée de violation du droit de propriété et de piétinement de la justice. Elle n’a touché aucun anonyme puisque la majorité des familles qui habitent la corniche de Landréah et la Cité ministérielle sont du régime de Sékou Touré. Elles sont très bien connues du fait de leur histoire et de la relation qu’elles continuent d’entretenir avec Madame André Touré, épouse du camarade Sékou Touré.
La procédure d’expulsion de Damaro Camara, père de famille, a été une atteinte à sa dignité. Réduire en amas de gravats l’ancienne maison de Cellou Dalein Diallo pendant que le dossier est en justice et y construire une école quand des sous-préfectures en manquent, est le symbole d’une pure injustice. C’est le CNRD qui fait la loi et la justice est subtilement aux ordres. Sinon, comment expliquer la restitution en avril 2022 à Elhadj Ousmane « Sans Loi », de plusieurs biens immobiliers confisqués sous Alpha Condé, par une simple saute d’humeur du colonel Amara Camara ? Et pourquoi on refuserait aux autres le même traitement de faveur ? La réponse est connue. Il faut jouer à l’équilibre social après avoir ciblé délibérément des gens. « Inspecteur Colombo » est peut-être trop occupé à jouer le maître de cérémonie au lieu d’incarner pleinement sa fonction qu’il ne mérite pas au point d’oublier ces réalités.
Les protégés du système
« Mieux, le temps des passe-droits et des hommes politiques supposés intouchables, quand bien même ces derniers seraient en conflit avec la loi, appartient désormais au rayon des souvenirs. Signe d’une nouvelle ère qui s’amorce, la Cour de répression des infractions économiques et financières (CRIEF) voit le jour. Cette juridiction passe sous ses fourches caudines, actuels et anciens dignitaires. » Extrait § 4.
Lansana Kouyaté, Premier ministre de Lansana Conté, arrivé dans le gouvernement à la faveur du soulèvement populaire de janvier et février 2007, a mis le long de l’autoroute Fidel Castro des lampadaires solaires. La presse avait alerté à l’époque sur de possibles soupçons de détournement. Est-ce qu’il sera entendu par la CRIEF ? L’ancien tout puissant ministre secrétaire général à la Présidence de la République Kiridi Bangoura n’est pas inquiété, alors qu’il a eu la plus grande longévité dans les régimes de Conté et de Condé, et surtout, qu’il a été au cœur de nombreux grands projets à la Présidence. Serait-il également entendu par la CRIEF ou bien c’est le protégé du colonel Amara Camara – son successeur – qui est maintenant présenté comme le principal conseiller de ce dernier ?
L’entièreté de la tribune de « l’Inspecteur Colombo » est susceptible de remise en cause profonde. Quand on y enlève les adjectifs, les superlatifs et les gros mots comme « forces de destruction massive », il ne restera qu’une coquille vide destinée à amuser la galerie.
L’incompétence érigée
A tous ceux qui ont la République en haute estime, il faut dorénavant contrer par les arguments ceux qui travaillent à la faire vaciller. Au demeurant, la DCI sur le plan purement de la communication a produit quels résultats à part des tribunes déshonorantes ? Aucun ! Au-delà des publications sur Facebook et Twitter – et qui sous-tendent toute la communication de la présidence -, il n’en est rien.
Lorsqu’un journal ou un média écrit sur l’institution dont vous avez la charge de conduire la communication, vous n’écrivez pas une tribune signée par votre direction comme la DCI. Une tribune n’engage pas une institution mais la personne qui l’a signée. C’est donc un manque de courage que de ne pas directement signer « Inspecteur Colombo ». Ce n’est pas étonnant dans un pays où un simple journaliste, ou sinon, quelqu’un qui aurait des qualités oratoires [peut] se retrouve(r) chargé de communication, voire directeur de communication au grand dam des professionnels de la communication.
La DCI ose tout. Plagiat. Contre-sens en communication. Allocution présidentielle dans une salle de classe. Prise de parole du porte-parole de la présidence devant le président perdu. Confusion des genres. Mise à l’écart de la RTG avec un flag micro de la DCI. Le bilan est déjà trop négatif pour être encore à la tête de la DCI. Il y a en Guinée des gens compétents en communication et qui méritent d’être plébiscités.
Comme à l’époque de Lansana Conté, « l’Inspecteur Colombo » suit les traces de Louis Auguste Leroy et oublie que les temps où on chante à souhait les louanges du chef sont révolus et appartiennent désormais au décombre de l’histoire.
Citant son ami Brice Parain, Albert Camus – auteur de l’Etranger – écrit en 1944 : « L’idée profonde de Parain est une idée d’honnêteté : la critique du langage ne peut éluder le fait que nos paroles nous engagent et que nous devons leur être fidèles. Mal nommer un objet, c’est ajouter au malheur de ce monde. Et justement la grande misère humaine qui a longtemps poursuivi Parain et qui lui a inspiré des accents si émouvants, c’est le mensonge. »
Kossa CAMARA
Consultant en Communication