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Alpha CONDE, de Chef d’Etat à Chef de Parti (d’opposition), retour vers le futur

RFI titrait un article le 6 septembre 2021 : « Guinée : Alpha Condé, la fin brutale d’une carrière politique mouvementée ». Fin de carrière ? C’était sans compter d’une part sur la magnanimité d’un régime militaire qui lui a permis de sortir du territoire pour raison de santé, et d’autre part sur la pugnacité de l’animal politique que l’on nous a toujours décrit.

Oui. Alpha CONDE a réussi son retour sur la scène politique à travers une opération de communication bien millimétrée. Un échange téléphonique avec un grand journaliste de la place, des visioconférences avec des militants triés sur le volet et savamment distillés sur les réseaux sociaux, un appel à manifester conjoint des nouvelles « forces vives de Guinée », ont réussi à faire monopoliser une partie de l’actualité et de l’opinion sur sa personne.

Oui. Tout le monde l’admet : Alpha CONDE is back… dans le débat public en tout cas et à la tête d’un parti (d’opposition), en l’occurrence l’ex parti au pouvoir, son RPG. Lui qui, à la veille des échéances électorales de 2020, affirmait laisser son « manteau de président » de côté pour prendre son « manteau de militant ». Il revient bien revanchard tout en affirmant qu’il ne l’est pas, en pointant un doigt accusateur sur son ancien chef d’état-major qui l’aurait trahi avant d’être lui-même trahi, et aussi sur ses tombeurs qu’il veut désormais « chasser » du pouvoir.

Et bien sûr, des éléments de langages pour les communicants sont mis à disposition : il avait bouclé plein de financements de plein de projets, tout était prêt pour désormais sérieusement lutter contre la corruption, mais cette fois ce n’est pas le Chinois qui est mort mais plutôt Namory qui l’a « tué ».

Qui, dépourvu de l’esprit militant, est dupe ? Presqu’un an après son élection pour le premier mandat de la fameuse et morte née quatrième République, le changement n’était resté qu’un slogan (« Gouverner Autrement »). Ce slogan, annonçant un renouveau par rapport au deux premiers mandats, pouvait d’ailleurs s’analyser comme un aveu d’échec de 10 ans de gouvernance, alors qu’au terme de ses deux mandats, le bilan d’Alpha CONDE aurait bien pu être défendable et défendu. N’avait-il pas fait ce qu’il avait pu ? Une chose est sûre, le changement tant annoncé tardait à arriver. Pour rappel, le premier gouvernement de cette quatrième République avait même été surnommé « confirmé » en référence à une chanson en vogue à l’époque et au fait que la plupart des membres de l’ancien gouvernement étaient « confirmés » à leur poste.

Celui qui s’est accroché au pouvoir, en prétextant entre autres ne pas vouloir « laisser la Guinée entre les mains des bandits », en faisant référence à ses opposants anciens premiers ministres, a-t-il finalement et subitement changé d’avis ?  A supposer qu’il réussisse à chasser ses tombeurs du pouvoir, laissera-t-il donc finalement un Cellou ou un Sydia éventuellement gagner des élections libres et transparentes et lui succéder ou compte-t-il lui-même être réélu ou encore espère-t-il terminer son troisième mandat ou premier mandat de la quatrième République ?

Et surtout comment compte-t-il s’y prendre pour réaliser ce vœu pieux de chasser ses tombeurs du pouvoir ?

Il ne l’a pas indiqué expressément, même si son annonce de la reconstitution des forces vives pour y contribuer peut donner une indication. Cependant, Alpha Condé sait mieux que quiconque que jamais dans l’Histoire de la République de Guinée, un régime n’est tombé suite à une insurrection populaire. Ni la révolte des femmes en 1977 sous Sékou Touré, ni les événements de 2007 sous Lansana Conté, ni les événements du 28 septembre 2009 sous Dadis, ni la lutte du FNDC en 2020, n’avait réussi à venir à bout de ces régimes, même si ces événements ont pu bien entendu affaiblir ces régimes et précipiter leurs fins pour certains.

Par la force ? En tout état de cause cette hypothèse ne doit pas être ni exclue, ni minimisée.

Tout d’abord parce que les deux seuls Chefs d’Etats guinéens ayant perdu le pouvoir contre leur volonté, l’ont perdu par la force : Dadis à la suite de la tentative de meurtre ou d’assassinat dont il a été victime le 3 décembre 2009 et Alpha Condé lui-même à la suite du coup d’état mené par le CNRD le 5 septembre 2021.

Ensuite, faut-il rappeler qu’Alpha Condé a déjà été accusé puis condamné pour atteinte à l’autorité de l’Etat et à l’intégrité du territoire national, aussi bien sous le régime du Président Sékou Touré que sous celui du Président Lansana Conté. Il est vrai que lui et ses soutiens clament depuis toujours son innocence dans ces procès qualifiés de politiques. Aussi, faut-il souligner que dans un « Livre blanc sur l’affaire et le procès Alpha Condé », les avocats des parties civiles ont, eux, soutenu que c’est plutôt Alpha Condé qui a réussi à politiser et médiatiser un procès pour couvrir ses torts. D’où la pertinence d’ailleurs de la recommandation des Assises nationales portant sur la rédaction de l’Histoire générale de la Guinée. Parenthèse fermée.

Enfin, il ne faut pas oublier non plus que sans que cela ne soit encore établi, Dadis l’accuse d’avoir fomenté, sous le label des « Forces Vives » déjà, un complot visant à la fois à le renverser et aussi à éliminer ses autres adversaires qui auraient été empêchés par la justice. Bis repetita ?  « Un Peuple qui ignore son Histoire est condamné à la revivre ».

Alors un scénario à la 28 septembre 2009 peut-il se répéter ?

Depuis l’appel à manifester des nouvelles Forces vives de Guinée, beaucoup d’observateurs font le parallèle avec le 28 Septembre 2009. Il y a toutefois des différences notables entre les deux contextes. Primo, rappelons naturellement que tous les acteurs, à savoir les manifestants, les leaders politiques, les autorités connaissent l’histoire du 28 septembre et en ont sans doute tiré quelques leçons. Deuxio, le point d’achoppement entre les acteurs en 2009 était clairement la candidature du Président Dadis, là où pour le moment c’est plutôt la conduite unilatérale de la Transition selon les nouvelles forces vives et non des velléités de candidature du Président de la Transition. Enfin, tout Guinéen de tout bord ne peut qu’espérer que cette tragédie ne se reproduise pas, eu égard à l’ampleur des dégâts humains causés.

Cependant les jours, semaines et mois à venir sont de tous les dangers pour la nation guinéenne, en raison des positions qui sont de plus en plus irréconciliables et des acteurs décidés à en découdre. Pour preuve, le ministre de la Justice, de retour d’un voyage à l’étranger indique que « l’autorité de l’Etat se fera sentir » et qu’il y aura une grande annonce ce jeudi 9 mars, jour de manifestation sans oublier également qu’il y a deux semaines, le ministre de l’Administration du territoire a menacé les partis politiques de dissolution. Tandis que les acteurs réunis au seins des nouvelles Forces vives ont réaffirmé leur détermination à se faire entendre ce jeudi 9 mars.

Nous en sommes encore là, malheureusement pour notre pays.

Baïla Amadou Traoré,

Juriste, Chroniqueur

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