Qu’il est triste et révoltant, le sort de la République démocratique du Congo (RDC) ! Vaste et archi-riche de ses abondants minerais, le pays se débat pourtant dans les fanges de la misère du monde. Mais surtout, depuis une trentaine d’années, la RD Congo symbolise l’insécurité et l’instabilité. En particulier, dans la zone orientale, les rebellions se succèdent aux rebellions. Des groupes armés aux contours confus et aux revendications tout aussi sombres, qui se livrent à des expéditions punitives et à des razzias qui laissent les pauvres populations, démunies et sous le choc. D’autant que ces groupes de criminels tuent et violent sans distinction. Les enfants, quant à eux, s’ils survivent à la mort et quand ils ont la chance de ne pas se retrouvés handicapés à vie, sont employés de force comme apprentis-rebelles ou dans les carrières minières dont les rebelles tirent de précieuses pierres qu’ils expédient via les pays frontaliers en vue de les acheminer vers des négociants complices installés à l’autre bout de la chaine. L’armée, déstructurée, est incapable d’assumer son premier devoir qu’est la défense de l’intégrité du territoire congolais. Au point que depuis des mois, la rébellion du M23, tel un promeneur en terrain conquis, s’empare des localités congolaises qu’elle convoite, les unes après les autres. Ishaha, localité située à la frontière entre la RD Congo et l’Ouganda, étant la dernière conquête des rebelles parrainés par le Rwanda de Paul Kagamé.
Récriminations et complaintes distillées à l’envi
Justement, la prise d’Ishasha, hier dimanche, est symptomatique du drame congolais. D’abord, il faut préciser que la localité a été prise à la suite d’autres villes que sont Kiseguru, Ketwiguru, Kisharo et Nyamilima, une plus grande agglomération dans ce territoire du Rutshuru. Ensuite, doit-on relever que dans toutes ces localités, les rebelles n’avaient pas en face les éléments de l’armée congolaise, mais des membres hétéroclites de groupes d’autodéfense appelés Wazalendo, sorte de VDP congolais. Or, ces derniers, au même titre que les quelques policiers qui demeuraient-là ont fui la ville avant l’arrivée des rebelles. Les policiers notamment ont franchi la frontière pour trouver refuge en Ouganda voisin. Voilà qui est indigne des autorités congolaises qui, plus de 60 ans après les indépendances, continuent donc à compter sur des groupes d’autodéfense où sur des mercenaires occidentaux qu’ils payent à des millions de dollars. Pendant ce temps, à Kinshasa et dans les autres grandes villes du pays, les responsables politiques, gouverneurs, ministres et députés, tous bords confondus, repus des fruits de la corruption et vivant dans leurs demeures cossues, ne sont même pas conscients de l’enfer qu’endurent ces misérables populations que la guerre empêche même de labourer leurs champs. Symbolisant cette élite politique incapable de se montrer à la hauteur des enjeux et de la confiance placée en elle, Félix Tshisekedi fait le pleurnichard. Ses menaces et ses discours guerriers étaient manifestement pour les besoins de la dernière campagne électorale. Son nouveau mandat en poche, il s’est réinstallé dans son confort, en se contentant de simples récriminations et complaintes distillées à l’envi dans la presse.
Le rôle des voisins
Bien sûr, la responsabilité des autorités est de loin la plus importante dans le sort peu inviable de la RD Congo. Mais à côté, il y a ces voisins qui ne jouent pas franc-jeu. Pour le cas du Rwanda, pas besoin du perdre du temps à développer, parce que la mauvaise foi de Paul Kagamé est d’une évidence qui crève les yeux. Mais qu’en est-il du rôle que jouent le Burundi, l’Ouganda, l’Angola et même le lointain Kenya ? A défaut de servir de complices aux rebelles, ces pays, à minima, adoptent l’attitude du spectateur prétendument neutre. Or, dans la configuration et les motivations des guerres dont l’Est du Congo a toujours été le théâtre, la neutralité revient à choisir ceux qui exploitent indument les richesses congolaises. Car en fin de compte, ces pays en profitent toujours. C’est ainsi que c’est à Naïroba, au Kenya, qu’en février dernier, Corneille Nangaa, l’ancien président de la CENI, a annoncé la création de ‘’’l’Alliance du fleuve Congo (AFC)’’, mouvement pourtant affilié au M23. Il est évident que les pays de la région ne sont pas authentiquement engagés à faire cesser les hostilités au Congo. C’est ce qui explique que les deux troupes régionales, l’EAC et la SAMIDRC, qui y ont été déployées plus tôt au cours de cette année, n’ont pas réussi stopper les avancées rebelles. Ce rôle trouble de ces voisins qui, publiquement se proclament amis des Congolais, alors qu’ils sont partie intégrante de sa déstabilisation, est l’autre facteur qu’il faudra maîtriser si l’on tient à ce que la RDC retrouve une paix durable. Mais c’est une condition difficile à obtenir, en raison de l’hypocrisie des acteurs, y compris au niveau de l’échelon supérieur de la communauté internationale.
Boubacar Sanso Barry