Le programme national de recensement administratif à vocation d’état civil se poursuit à travers tout le pays. À Kankan, des équipes de recenseurs sillonnent quartiers et villages pour enregistrer le maximum de citoyens. Si l’engouement est palpable dans certaines zones, il demeure timide dans d’autres. Pour pallier ce déséquilibre, le ministre de l’Urbanisme multiplie les déplacements et rencontres avec différentes entités locales, dans le but de renforcer la mobilisation autour de ce programme cher aux autorités de la transition.
Lors d’une rencontre avec les responsables syndicaux, tenue lundi dernier à la maison des jeunes, le ministre Mory Condé a appelé ces derniers à s’impliquer davantage dans la sensibilisation. Il a surtout lancé un appel controversé : à partir du 10 du mois prochain, aucun voyageur ne devrait être admis dans un véhicule s’il ne présente un récépissé de recensement. Une déclaration jugée autoritaire et déplacée par plusieurs acteurs politiques de la région.
Deux jours après ces propos, la réaction ne s’est pas fait attendre. Rencontré dans le quartier Korialen, Amadou Secteur Barry, président de l’Union des Patriotes pour le Développement de la Guinée (UPDG), n’a pas mâché ses mots. Il appelle le ministre à plus de retenue dans ses discours.
« Est-ce que ces propos du ministre de l’Urbanisme sont partagés par son homologue des Transports, ou même validés par l’ensemble du gouvernement ? Que fait-on des citoyens vivant dans les zones reculées, inaccessibles aux machines de recensement ? Va-t-on leur interdire de voyager ? C’est absurde. On ne peut pas priver un citoyen de sa liberté de mouvement simplement parce qu’il ne s’est pas fait recenser. Certains propos, surtout dans un contexte aussi sensible, ne doivent pas être tenus en public. Cela ressemble à une tentative de restriction de nos libertés fondamentales », indique-t-il.
Il poursuit, dénonçant une décision précipitée, contraire aux efforts de réconciliation et de dialogue en cours.
« Ce régime a certes engagé des réformes positives, mais avec des mesures aussi rigides, on risque un recul démocratique, surtout en cette année 2025. Le respect doit être mutuel entre dirigeants et citoyens. La sensibilisation, la pédagogie, et la flexibilité doivent primer. C’est par l’écoute et l’empathie que l’on parvient à faire adhérer une population à une cause », poursuit-il.
Sur le terrain, Amadou Secteur Barry pointe également des lacunes techniques importantes : « Certains groupes électrogènes sont défaillants, et l’incompétence de plusieurs agents recenseurs est criante. Beaucoup de citoyens ne sont même pas informés correctement du processus en cours. Il faut renforcer la communication et recruter des techniciens formés, capables de faire fonctionner le matériel. Sinon, il faudra envisager un report du délai, car chaque Guinéen en âge de se faire recenser doit pouvoir le faire ».
Michel Yaradouno, depuis Kankan