Le tout n’est pas dans le vocable ou l’intitulé de la fonction, mais dans ce qu’on y met comme contenu. Au Togo, le fait est passé quelque peu incognito. Mais depuis ce samedi 3 mai 2025, dans ce pays de l’Afrique de l’ouest, il ne fait plus impressionnant d’être affublé du titre de Président de la République. En vertu de la réforme constitutionnelle de l’année dernière, le titre a été vidé de sa substance. Il ne lui reste plus que la dimension symbolique. Ce que cette fonction recouvrait jadis en termes de pouvoirs et de privilèges a été intégralement transféré à une nouvelle fonction dénommée Président du conseil des ministres. Et bien sûr, Faure Gnassingbé, en place depuis 20 ans, est celui qui hérite de cette nouvelle fonction. Faure Gnassingbé dont le désir de s’éterniser au pouvoir est le mobile principal de la réforme constitutionnelle derrière laquelle certains, sans doute naïfs, voudraient voir une touche d’innovation.
Il est plutôt habile, le dirigeant togolais. Visiblement instruit par les crises ayant résulté de tous les fameux troisièmes mandats, Faure Gnassingbé choisit manifestement de s’y prendre différemment. Certes, son objectif est également de rester en place le plus longtemps possible. Mais il ne souhaitait pas que son désir soit aussi flagrant comme cela s’est passé ailleurs notamment en Guinée et en Côte d’Ivoire. C’est ainsi qu’il n’a pas attendu d’être dans son dernier mandat pour se pencher sur la réforme constitutionnelle. De même, en mettant l’emphase sur l’évolution du régime présidentiel vers celui parlementaire, il masquait plutôt ses propres intérêts en feignant de replacer le peuple au centre du jeu démocratique. Schématiquement, Faure Gnassingbé l’arrière-plan pour lui-même, et le devant de la scène, pour les députés de son pays. En apparence, du moins. Car, dans les faits, il s’est assuré de demeurer encore pour longtemps l’Alpha et l’Omega de tous les secteurs de la vie de son pays.
Et visiblement, la stratégie est plutôt efficace. Tenez, le samedi dernier, il a tranquillement inauguré le premier mandat de la 5ème république. Un bail pour lequel il n’aura pas consenti de grands efforts. Aucune campagne électorale, aucun débat télévisé, pas d’évaluation du bilan, pas de présidentielle à enjeux, pas de fraude à orchestrer, pas contestations électorales et par conséquent, de prétexte à coup d’Etat. Tout s’est réglé en quelques minutes à l’Assemblée nationale où les choses étaient d’autant plus faciles que l’UNIR, le parti présidentiel, détient 108 des 113 sièges. Voilà qui est pratique non ? Au point qu’on imagine d’autres dirigeants à travers le continent, voulant se laisser inspirer par la formule magique.
Mais attention, la formule n’est pas nécessairement exportable. Il est d’ailleurs à se demander si son expérimentation au Togo n’est pas également imputable à l’opposition et à la société civile togolaises. En effet, si le pouvoir togolais peut gérer le pays selon son seul bon vouloir, n’est-ce pas parce que les contre-pouvoirs se sont discrédités aux yeux des populations ? En tout cas, l’immobilisme qui fait que c’est la même famille qui est à la tête du pays depuis bientôt 60 ans, interpelle l’ensemble de la classe politique et plus largement toute l’élite togolaise, de l’indépendance à nos jours.
Boubacar Sanso Barry