Au Mali, la fête de la Tabaski célébrée vendredi dernier a coïncidé avec une autre actualité marquante : l’annonce de la fin de mission du groupe paramilitaire russe Wagner. Ce partenaire, engagé depuis trois ans aux côtés des autorités maliennes dans la lutte contre le terrorisme et l’insécurité, met un terme à sa présence sur le sol malien. Une annonce confirmée par le groupe fondé par le défunt Evgueni Prigojine. Mais, dans la foulée, l’Africa Corps, entité militaire soutenue par Moscou et apparue après la mort de Prigojine en août 2023, déclarait qu’elle prendrait automatiquement le relais. Un message clair : la Russie reste au Mali, même si les visages changent. Ce passage de témoin intervient toutefois dans un contexte marqué par une intensification des attaques terroristes, en particulier contre les installations militaires. Cela interroge le bilan flatteur que Wagner s’est attribué à l’heure de son retrait, et suscite des doutes sur ce que l’on peut véritablement attendre d’Africa Corps.
Aveu d’échec
On tente visiblement de faire passer cette relève comme une transition planifiée de longue date. Peut-être. Mais il est difficile de ne pas établir un lien entre ce changement et la recrudescence des attaques menées par les groupes djihadistes, notamment le JNIM. De ce point de vue, le départ de Wagner peut être interprété comme l’aveu d’un échec, ou du moins comme la nécessité de réadapter le dispositif russe face à un ennemi devenu plus redoutable. Car il faut bien le reconnaître : la coopération militaire avec Wagner n’a pas permis de restaurer la sécurité au Mali. Les récentes attaques contre les camps de Dioura, Boulkessi, Tombouctou ou encore Sikasso en sont la preuve. Certes, la reprise de Kidal reste un acte fort et symbolique pour les autorités de transition, mais elle ne masque pas les limites de l’approche sécuritaire adoptée.
Pire, à l’insécurité persistante s’ajoutent de graves bavures, souvent commises contre des populations civiles soupçonnées à tort de collusion avec les terroristes. Dans ce climat, la collaboration avec Wagner a également permis à la junte de renforcer sa posture autoritaire et anti-démocratique, en s’appuyant sur un partenaire peu regardant sur les droits humains.
Africa Corps peut-il faire mieux ?
Difficile donc d’imaginer qu’Africa Corps fasse mieux. Le contexte reste tendu, et le défi sécuritaire est d’autant plus complexe qu’il repose sur un amalgame dangereux entre djihadistes et certaines communautés civiles. Un amalgame qui, en alimentant les frustrations, ne fait que renforcer les rangs des groupes armés. De plus, contrairement à Wagner, les membres d’Africa Corps seraient directement subordonnés au ministère russe de la Défense. Ce lien hiérarchique plus strict pourrait réduire les marges de manœuvre de Bamako et accroître l’emprise de Moscou sur les affaires maliennes.
Afrique : Absence de véritables choix stratégiques
Cela remet en question la rhétorique souverainiste du colonel Assimi Goïta et de ses compagnons. Car si, entre 2013 et 2021, l’argument selon lequel la présence française incarnait une nouvelle forme de colonialisme pouvait être défendable, on peut se demander si le Mali ne s’achemine pas vers une autre forme de tutelle – russe cette fois, et peut-être plus durable. Au final, le drame réside peut-être moins dans la présence de Wagner ou d’Africa Corps, que dans l’absence de véritables choix stratégiques offerts aux peuples africains. Si la seule option reste de choisir entre l’Est et l’Ouest pour désigner notre « maître », cela en dit long sur l’impasse politique et institutionnelle dans laquelle nous nous trouvons.
Boubacar Sanso Barry