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Du physique au digital : la prostitution se réinvente sur la toile en Guinée

La prostitution en  Guinée prend une autre tournure. Si autrefois les clients en quête de relations sexuelles fréquentaient les boîtes de nuit ou les motels pour y trouver des filles, ce n’est plus forcément le cas aujourd’hui à Conakry et dans plusieurs ville du pays. Le phénomène s’est modernisé. Désormais, avec des plate-formes comme WhatsApp ou Telegram, on peut se faire « livrer » des filles comme des colis, après les avoir choisies.

Selon une enquête menée par notre rédaction auprès de certains clients, l’un d’eux raconte que tout a commencé par son intégration dans un groupe Telegram via un lien qu’il a validé, sans débourser un franc. Dans ce groupe, affirme-t-il, il n’est question que de sexe et de rapports sexuels.

«Oui, une fois dans le groupe, on vous envoie des photos nues de femmes, parfois en plein acte sexuel, en train de se masturber ou de faire des vidéos explicites. Aucun membre ne peut écrire, à part les administratrices. Et là, elles vous envoient des messages comme : ‘Les filles sont disponibles. Tu payes la mise en contact, je t’envoie une fille, tu la mougou très bien », a-t-il declaré.

Après quelque temps dans ce groupe Telegram, les membres sont invités à rejoindre un groupe VIP sur WhatsApp, encore plus « chaud », avec davantage de contenus explicites et de filles prêtes à avoir des rapports sexuels contre rémunération. Contrairement au groupe Telegram, l’accès au groupe WhatsApp VIP nécessite un paiement de 60 000 francs guinéens, à transférer sur le compte Orange Money de la cheffe du groupe.

Ces femmes, administratrices des groupes, travaillent en collaboration avec d’autres filles. Elles servent d’intermédiaires pour trouver des clients, tant pour elles-mêmes que pour celles avec qui elles sous-traitent. Pour chaque mise en contact, le client paie 70 000 francs guinéens. Une fois ce montant versé, la cheffe du groupe transmet le numéro de la fille choisie.

Des tarifs bien définis

Avoir des relations avec ces filles demande des moyens, surtout quand on connaît le niveau de revenus de nombreux jeunes Guinéens. Selon nos enquêtes, les prix varient en fonction de la nature de la prestation et du temps passé. Le transport, lui, est facturé entre 50 000 et 100 000 francs guinéens, selon la distance (Entag, Lansanaya, Coyah, etc.).

Voici quelques exemples de tarifs :

  • 1h pour un tour : 300 000 GNF
  • 1h pour deux tours : 400 000 GNF + 50 000 GNF de transport
  • 2h pour deux tours : 500 000 GNF
  • 2h pour trois tours : 650 000 GNF + transport
  • Journée entière : 700 000 GNF
  • Nuit complète : 850 000 GNF

À cela s’ajoutent les vidéos nues, vendues à 250 000 GNF, ainsi que les appels vidéo.

«Ces filles sont prêtes à tout », affirme notre interlocuteur. «Elles vous envoient régulièrement de nouveaux messages, des photos de nouvelles recrues, et font leur propre promotion», poursuit notre interlocuteur.

Exemple de message reçu : « Je suis disponible dès maintenant pour vous faire passer un moment chaud, discret et inoubliable. Toutes prestations selon vos envies : douceur, sensualité et plaisir garantis. Je travaille avec des filles sérieuses et toujours propres».

Une fois chez le client, elles exécutent les instructions données par la cheffe, après accord avec le client.

«Certaines insistent pour que tu utilises un préservatif, d’autres te laissent le choix. Certaines ne se déshabillent pas entièrement : elles enlèvent juste le pantalon et le dessous. D’autres acceptent tout, à condition que cela ait été convenu au préalable ou que tu augmentes leur tarif sur place», explique un autre utilisateur de la plate forme whatsapp.

Un abonnement annuel à 400 000 GNF

Pour éviter aux clients de payer 70 000 GNF à chaque nouvelle mise en contact, les administratrices proposent un abonnement annuel à 400 000 GNF.

«Chers clients, nous vous proposons un abonnement annuel de 400 000 GNF pour la mise en contact avec des filles. Une fois ce montant payé, vous ne serez plus facturés pour les contacts. À chaque demande, la mise en relation se fera automatiquement. Préparez-vous, de nouvelles filles seront bientôt disponibles», peut-on lire dans un message partagé dans l’un des groupes.

Des promotions régulières

Comme tout service commercial, la prostitution en ligne connaît également ses promotions. Une stratégie pour fidéliser les clients à travers des tarifs réduits.

«Parfois, elles envoient des messages pour dire que les filles sont en promo ce jour-là. Par exemple, si une heure avec un tour coûte normalement 200 000 GNF, le tarif promo est de 120 000 ou 150 000 GNF», rapporte un autre.

Témoignage d’une fille

Nous avons pu échanger avec l’une de ces travailleuses du sexe. D’entrée, elle justifie son choix :

«J’ai terminé mes études mais je n’ai pas trouvé d’emploi. Mes parents sont pauvres et j’ai besoin de me prendre en charge. C’est pourquoi j’ai contacté une cheffe de groupe pour qu’elle me trouve des clients. Parfois, je gagne entre 300 000 et 500 000 GNF par nuit. Ça dépend du nombre de clients et du temps passé», s’est-elle confiée.

Le revenu est partagé entre la fille et l’intermédiaire. « Les filles qui trouvent les clients reçoivent un pourcentage. Par exemple, sur 300 000 GNF, elles peuvent prendre entre 50 000 et 100 000 GNF», indique-t-elle.

Et quand on lui demande pourquoi les prix sont si élevés, elle répond : « Les produits d’entretien qu’on utilise sont très chers. Quand on va chez un homme, il faut sentir bon, être propre. Et il faut bien le satisfaire pour qu’il te rappelle la prochaine fois au lieu d’aller chercher une autre».

Des cas d’arnaque

Ce milieu n’est pas sans risques pour les clients. Certains témoignent avoir été victimes d’arnaques :

« Oui, c’est vrai. Il y a des filles qui, après avoir tout négocié, te demandent d’envoyer le transport. Une fois que tu as fait le dépôt, elles ne viennent plus. Elles éteignent leur téléphone ou te mettent en liste noire», raconte un client déçu.

Selon nos constatations, les filles qui exercent cette activité sont souvent des diplômées sans emploi, des coiffeuses, des couturières, des élèves, des étudiantes ou encore des mères célibataires âgées entre 17 et 30 ans.

Selon, Ibrahima Lalya Bah, sociologue ce nouveau visage de la prostitution à Conakry et dans d’autres grandes villes du pays, accessible en quelques clics via WhatsApp, Telegram ou Facebook,  « reflète une transformation profonde de la société, nourrie par la précarité économique, le chômage massif des jeunes, l’omniprésence des réseaux sociaux et l’érosion progressive des repères moraux traditionnels », dit-il.

Pour lui, la version numérique gagne du terrain par sa discrétion, son invisibilité et l’absence de stigmatisation sociale. Cachée derrière des écrans, elle échappe aux regards et aux contrôles.

La rédaction

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