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Sénégal : confusion des rôles au sommet de l’Etat

Quand, en avril 2024, à la suite de la brillante élection du président Diomaye Faye, lui et Ousmane Sonko ont accédé au pouvoir, leurs détracteurs, pris de court, n’avaient pour seule réplique que la prédiction d’un futur désaccord entre les deux hommes. C’est dire à quel point certains observent aujourd’hui, avec une délectation à peine dissimulée, les premiers malentendus au sein du duo exécutif sénégalais. D’autant plus que ces tensions apparaissent bien plus tôt qu’on ne l’aurait imaginé. A peine un an après leur victoire contre l’entêtement de Macky Sall et de son camp. Et les premières fissures visibles dans ce tandem proviennent du Premier ministre lui-même. Non pas parce qu’il a rendu publiques leurs divergences, mais parce qu’il semble vouloir devenir calife à la place du calife. Habité par une certaine tendance autoritaire, Ousmane Sonko paraît vouloir réduire au silence le débat public et museler la liberté d’expression dans une société sénégalaise dont l’exception démocratique repose précisément sur ces valeurs.

Le premier point de discorde entre Diomaye et Sonko tient à leurs personnalités diamétralement opposées. Le président, calme et posé, évite les menaces et les outrances. Il est plus enclin à respecter les institutions, à laisser la justice, la presse et les contre-pouvoirs jouer leur rôle. A l’inverse, le Premier ministre est d’un tempérament fougueux. Vif, combatif, parfois même agressif, il est plus prompt à descendre dans l’arène politique, quitte à piétiner les principes de l’Etat de droit. Sa conception du pouvoir rappelle, à certains égards, celle d’un Donald Trump, n’hésitant pas à vouloir soumettre les institutions à sa volonté.

A cela s’ajoute un autre problème : Sonko se perçoit toujours comme le mentor du président. Ce n’est pas entièrement faux. Mais à force de le répéter à tout-va, il contribue à affaiblir l’image d’autorité de Diomaye Faye, qu’il fait passer, parfois, pour un simple exécutant. Et c’est bien là que le bât blesse. Car tout en étant Premier ministre, Ousmane Sonko donne l’impression de vouloir gouverner comme un président. A ses yeux, Diomaye ne devrait être qu’un relais fidèle de ses idées, ce qui est en contradiction flagrante avec les principes républicains et l’organisation institutionnelle du pays.

Autre grief imputable à Sonko : sa conception de la gestion du pouvoir. Autant il a invoqué la liberté d’expression et le débat pour asseoir son leadership dans l’opposition, autant il semble aujourd’hui, une fois aux affaires, rechercher une forme d’impunité. Lorsqu’il est critiqué par la presse, cela devient un scandale ; lorsqu’il est attaqué par l’opposition, c’est inacceptable ; et lorsqu’il est débouté par la justice, il y voit une faiblesse de l’autorité, voire une complicité du président.

Mais cette crispation s’explique aussi par un contexte social et politique difficile. La période de grâce est terminée. Les promesses du PASTEF, souvent jugées irréalistes, peinent à se concrétiser. Le malaise social grandit, et avec lui, la nervosité du pouvoir. Confronté à une réalité plus rugueuse que prévue, Sonko cherche sans doute à la fois des boucs émissaires et un exutoire. D’où cette tentation de réprimer ou de censurer, comme si briser le thermomètre pouvait faire baisser la fièvre.

Quelle erreur ! Avec sa posture actuelle, Ousmane Sonko risque tout juste de se brûler les ailes. On peut lui reconnaître le mérite d’avoir mis fin à une gouvernance essoufflée et peu soucieuse des aspirations profondes du peuple sénégalais. Mais cette victoire ne lui donne pas carte blanche pour transformer une démocratie solide en dictature rampante. Les institutions sénégalaises, les intellectuels et la jeunesse ne l’accepteront pas. Surtout pas au nom d’un régime qui, pour l’instant, peine à tenir ses engagements.

De Sonko, on attendait plutôt qu’il soit un partenaire loyal de Diomaye Faye, un bâtisseur d’avenir, un artisan d’un mandat réussi dont les deux pourraient se prévaloir à l’horizon 2029. Au lieu de cela, il semble de plus en plus absorbé par son ego et ses ambitions personnelles, au détriment de l’intérêt collectif. Ce qui constitue, à bien des égards, une grande déception, surtout au regard de l’espoir qu’il avait su susciter.

Boubacar Sanso Barry

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