Depuis près d’une semaine, l’eau du fleuve Niger à Siguiri suscite de vives inquiétudes, tant au niveau local que national. Son changement de couleur alarme citoyens, activistes et spécialistes de la santé. Un médecin que nous avons interrogé met en garde contre les nombreuses maladies auxquelles les populations pourraient être exposées.
Autrefois, l’eau du fleuve Niger était d’une grande utilité pour les habitants de Siguiri, en particulier ceux du secteur Bafidala. Elle servait à la boisson, à la cuisson, à la lessive et à bien d’autres usages domestiques. Mais aujourd’hui, en raison des activités humaines croissantes autour du fleuve, notamment l’orpaillage artisanal, l’eau autrefois limpide et bleutée a pris une teinte inquiétante. Les riverains oscillent entre désolation, peur et inquiétude.
Moussa Konaté, la quarantaine, se souvient de l’époque où il fréquentait le fleuve, alors appelé communément « Bafing », avec ses amis. Le changement de couleur de l’eau l’attriste profondément :
« Quand nous étions jeunes, c’est ici que nous venions. L’eau du Bafing avait une belle couleur bleue, elle était très prisée. Aujourd’hui, même un animal n’oserait y boire, à plus forte raison un être humain. Boire cette eau, c’est s’exposer à des maladies. Je ne sais pas si nos autorités voient ce que nous voyons ici », lance-t-il avec indignation.
Selon le Dr Demba Mara, cette coloration inhabituelle de l’eau pourrait être liée à plusieurs facteurs, notamment des actions humaines.
« Cette coloration est typiquement due à une forte charge en sédiments, souvent composée de particules d’argile, de limon, de sable ou de résidus issus de l’érosion ou d’activités humaines (exploitation minière, agriculture, déforestation, etc.). Une eau trouble favorise la propagation de maladies hydriques comme la diarrhée, le choléra, la dysenterie, ou encore la schistosomiase (bilharziose), causées par des bactéries, virus ou parasites présents dans l’eau souillée ».
Il alerte également sur d’autres risques sanitaires plus graves : « En cas d’activités minières, l’eau peut contenir des substances toxiques comme le mercure, le cyanure ou l’arsenic, ce qui peut entraîner des troubles neurologiques, des atteintes rénales ou hépatiques, affecter le développement des enfants, voire augmenter les risques de cancer ».
Il ajoute enfin : « Sur le plan dermatologique, les enfants ou les pêcheurs exposés à cette eau peuvent développer des dermatoses, des mycoses ou des irritations cutanées. Quant aux poissons et autres produits de la rivière, ils peuvent accumuler ces polluants, entraînant un risque d’intoxication chez les consommateurs par bioaccumulation », a-t-il ajouté tout en invitant les populations à éviter la consommation de cette eau.
Michel Yaradouno, depuis Kankan