On croyait l’affaire pliée. Certains pensant que le coup d’Etat, perpétré, selon de nombreux observateurs, avec la bénédiction du président Embalo lui-même, offrirait à la CEDEAO une occasion inespérée de se réhabiliter. Il n’en est rien. L’organisation régionale semble une fois encore incapable de démêler l’écheveau dans un de ses Etats membres. D’une part, la crise est beaucoup moins lisible qu’il n’y paraît ; d’autre part, les dirigeants de la sous-région disposent de leviers d’action de plus en plus émoussés. Certes, Ousmane Sonko et Goodluck Jonathan ont exprimé leur indignation face à Embalo et aux officiers qu’il a contribués à installer avant de quitter le pays. Mais au-delà de l’effarement et des condamnations habituelles, que peuvent réellement les dirigeants de la sous-région ? La réponse, tristement, s’impose : presque rien.
La montagne risque donc encore une fois d’accoucher d’une souris. Et c’est à croire que l’échec semble avoir été préparé sciemment. Après le sommet virtuel de dimanche dernier, une mission de haut niveau était annoncée pour le lendemain. Devaient s’y rendre quatre chefs d’Etat : Julius Maada Bio, Diomaye Faye, Faure Gnassingbé et José Maria Neves. Finalement, seul le Sierra-Léonais s’est présenté. Les autres ont disparu du dispositif, sans explication et sans représentants. Une défection soudaine qui trahit un malaise. La sortie peu amicale du Premier ministre sénégalais envers la CEDEAO y serait-elle pour quelque chose ? Difficile à dire. Mais le symbole, lui, est limpide : cette réduction drastique de la délégation a vidé la mission de sa substance et ruiné d’emblée toute perspective d’influence réelle. Le retour précipité du président sierra-léonais en a achevé la démonstration.
L’impression dominante est claire : les dirigeants s’y sont rendus sans conviction, et en sont revenus bredouilles. Aucun résultat, aucune avancée, aucune pression tangible sur la junte. Pire, la décision de reporter les annonces au prochain sommet du 14 décembre offre aux militaires un répit de deux semaines, qu’ils mettront à profit pour consolider leur contrôle sur l’appareil d’Etat. Cette stratégie, déjà usée jusqu’à la corde, n’impressionne plus personne. A force de sommets et de décisions solennelles sans lendemain, la CEDEAO a perdu la capacité d’influer réellement sur les crises qu’elle prétend résoudre.
Un autre choix interroge fortement : la décision du Nigéria d’accorder l’asile politique au candidat Fernando Dias da Costa, que beaucoup considèrent comme le véritable vainqueur du processus électoral qui a été pris en otage. Certes, l’intention peut sembler protectrice. Mais pourquoi l’éloigner du pays ? N’aurait-il pas été plus pertinent de l’héberger dans une ambassade, au cœur même de Bissau, afin de maintenir la pression sur les putschistes ? En tout cas, à distance, son influence politique s’étiole mécaniquement. A moins que ce choix cache en réalité une forme d’acceptation tacite du coup de force.
Pendant ce temps, la situation se complexifie. Ce mardi, un responsable de la Commission nationale des élections a déclaré que les procès-verbaux du scrutin du 23 novembre auraient été détruits lors du coup d’Etat. Il s’en prévaut en tout cas pour justifier, selon lui, l’impossibilité de la publication des résultats. Une affirmation peu crédible. En effet, le putsch ayant eu lieu la veille de la proclamation, trois jours après le vote, il est difficile d’imaginer que les données n’aient pas été saisies ni sauvegardées. D’autant que le corps électoral compte moins d’un million de votants. Tout cela ressemble à une mise en scène destinée à placer la CEDEAO et la communauté internationale devant un fait accompli.
Boubacar Sanso Barry


