Des décennies de commerce balayées en quelques heures. Ce vendredi 11 avril 2025, les installations situées le long de la ruelle Silani Mangbo, à Dibida (Kankan), ont été détruites par des engins lourds sous l’œil impuissant des occupants. Une opération de déguerpissement menée par le ministère de l’Urbanisme, de l’Aménagement du territoire et de la Récupération des domaines spoliés de l’État.
Installés depuis plusieurs décennies, habitants, commerçants, étalagistes, ateliers de couture et autres occupants de la ruelle Silani Mangbo ont été sommés de quitter les lieux. Ce vendredi, des camions ont résonné dans cette zone de négoce pendant que les machines démolissaient boutiques et magasins, souvent encore remplis de marchandises.
Le gouvernement, à travers le ministère concerné, a mis à exécution sa menace, provoquant la colère et la tristesse des habitants. De nombreux objets précieux ont été réduits en miettes sous les gravats. Jamais ces citoyens n’avaient imaginé vivre un tel cauchemar.
Mariame Diawara, commerçante, fait partie des victimes.
« J’ai perdu tous mes objets. Depuis mon mariage, mon mari m’a demandé de garder mes nouveaux ustensiles et d’utiliser ceux qu’il avait achetés. On nous a donné seulement 24 heures pour évacuer. Hier, nous avions encore trop de choses dans le magasin, on n’a pas pu dormir. Toute la nuit, nous avons transporté nos affaires. Ce matin, j’ai vu la machine démolir le mur, et tout s’est écroulé sur mes ustensiles, rien n’a été épargné. Normalement, ils auraient dû nous donner un préavis. Nous étions trois femmes dans ce magasin, et tous mes objets ont été détruits », se lamente cette mère de famille.
Massa Condé, couturière dans la même ruelle, s’indigne de la manière dont les autorités ont procédé :
« C’est seulement avant-hier que nous avons été informées de la démolition. On ne savait même pas si notre lieu était concerné. Nous avons commencé à déplacer quelques objets, mais malheureusement, beaucoup ont été endommagés. Nous avons réussi à transporter certaines choses, mais nos machines à coudre et d’autres objets essentiels sont irrécupérables ».
M’Ballougbè Kaba, elle, évoque l’injustice d’une expropriation qu’elle juge abusive.
« Nous acceptons la volonté de Dieu. Cet endroit appartenait à mon père, Laye Sidikiba Kaba. Ce matin, on s’est dit que ce n’est ni nous, ni Mamadi Doumbouya, mais Dieu qui a voulu cela. Il faut se soumettre à la loi, mais nous ne savons pas où aller. C’est ici que nous sommes nés. Notre maman, âgée de plus de 90 ans, est paralysée dans sa chambre. Nous n’avons rien d’autre, c’est notre seul espoir », explique-t-elle, émue.
Malgré nos multiples tentatives, les autorités locales n’ont pas souhaité commenter ou expliquer les véritables raisons de ce déguerpissement.
Michel Yaradouno, depuis Kankan