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Mali, Tchad…quand l’Afrique recule

A l’heure de dresser le bilan de l’année en cours, on les citera incontestablement. D’abord, la mort inattendue du président Idriss Deby Itno, et son remplacement au pied levé par son fils, Mahamat Idriss Deby Itno, lui-même militaire. Ensuite, le deuxième coup d’Etat en 9 mois au Mali, avec à la manœuvre le même colonel Assimi Goïta. Deux événements qui illustrent à eux seuls une forme de reculade à laquelle on assiste sur le continent africain. D’autant qu’ils incarnent le retour d’un mécanisme d’accession au pouvoir qui commençait à se raréfier en Afrique ces dernières années. Or, dans ces deux derniers cas, au moins une partie de la communauté internationale, les instances africaines en tête, laisse faire voire cautionne cette dangereuse marche-arrière. Une attitude dont le risque réside dans le fait qu’elle peut bien inciter d’autres militaires à faire de même dans d’autres pays. Et ce sera le retour à un certain passé que l’on croyait révolu.

Jadis, un consensus contre les coups d’Etat

Les opinions publiques africaines croyaient avoir tourné le dos aux coups d’Etat militaires. Cette tare-là, elles pensaient s’en être débarrassées. Plus globalement, ces dernières années, s’il y a un acquis dont le continent africain pouvait s’enorgueillir, c’était bien ce principe sacro-saint selon lequel il n’est plus permis à un citoyen d’accéder au pouvoir par une autre voie que celle des urnes. Un principe qu’en dépit de tous les reproches qu’on peut leur faire, les dirigeants du continent s’évertuaient à faire respecter à chaque fois que cela était nécessaire. Ainsi, ils n’avaient laissé aucun cadeau ni au capitaine Moussa Dadis Camara, en Guinée, ni à Amadou Haya Sanogo, au Mali. Face à l’intense pression de la communauté internationale, les deux bouillants capitaines n’avaient pas eu le choix que de laisser le pouvoir. Et leurs cas avaient sans doute inspiré d’autres militaires qui, dans d’autres pays, avaient des velléités. Et même, quand en août 2020, le colonel Assimi Goïta et ses camarades d’armes ont déposé Ibrahim Boubacar Keïta, c’est la pression unanime de la communauté internationale qui les avait contraints à remettre le pouvoir aux civils. Cette même intransigeance aura certainement dissuadé les militaires à prendre le pouvoir en Guinée Bissau, en dépit des crises politiques qu’on y a connues ces dernières années. C’est dire qu’on avait réussi à trouver un consensus contre l’accession au pouvoir par des voies autres que celle des élections. Quitte à ce que ce soient des élections bâclées et empreintes de contestation.

UA, manque d’indépendance et irresponsabilité

Malheureusement, c’est ce principe majeur que l’on vient de fouler au sol par deux fois, respectivement au Tchad et au Mali voisin. En tant que tels, ce ne sont pas le général Mahamat Idriss Deby Itno et le colonel Assimi Goïta qu’il faille blâmer. C’est d’abord l’Union africaine dont il convient de dénoncer le manque d’indépendance. Et l’irresponsabilité aussi. En effet, tout est parti de sa position plus qu’incompréhensible à propos de la succession d’Idriss Deby Itno par son fils. Qu’en raison de ses intérêts, la France ne veuille pas condamner la violation de la constitution tchadienne, cela peut se comprendre à la limite. Mais que l’Union africaine viole ses propres textes pour le besoin de s’aligner sur la position de la France, cela est à la fois totalement inacceptable et honteux. Un tel suivisme n’est pas digne d’une institution représentant des pays qui revendiquent une souveraineté vieille d’au moins 60 ans. Le comportement dont a fait montre le Conseil Paix et Sécurité de l’UA en ne condamnant pas le putsch perpétré au Tchad est d’autant plus regrettable que l’instance n’a pas réfléchi aux implications de son choix. Pourtant, il aurait fallu prendre en compte ces conséquences éventuelles. D’autant que ce qui est arrivé par la suite au Mali semble en être une. En effet, dans ce second cas, on parle bien sûr de l’interférence d’acteurs internationaux. Mais c’est surtout le caractère inaudible des instances africaines qu’il convient mettre à l’index. Si le colonel Assimi Goïta et sa clique sont passés outre les condamnations de principe de l’Union africaine et de la CEDEO, c’est parce qu’avec le silence de celles-ci sur le cas du Tchad, il était très peu probable qu’on les écoute au Mali. C’est en cela qu’il est important de ne pas jouer avec la crédibilité de nos institutions. Encore qu’on n’avait pas non plus suffisamment entendu ces mêmes institutions quand, modifiant les constitutions guinéenne et ivoirienne, Alpha Condé et Alassane Ouattara, se sont octroyés leurs troisièmes mandats.

Pour rattraper le coup

Ceci étant, il faut vite tirer les leçons de ces deux égarements. L’Union africaine et la CEDEAO doivent se reprendre. Elles doivent en particulier exiger des militaires qui trônent à la tête respectivement du Tchad et du Mali qu’ils s’engagent à ne pas prendre part aux élections qui seront organisées à la fin de la transition dans les deux pays. C’est le minimum que les deux organisations peuvent faire pour espérer rattraper le coup. Mais nous insistons dessus, dans tous les deux pays, on doit être ferme et catégorique. Car si une fois encore, on sent du deux poids deux mesures, ça ne fonctionnera pas. Pire, dans d’autres pays, d’autres militaires pourraient, eux aussi, se laisser inspirer.

Boubacar Sanso BARRY

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