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TRANSITION : comment le Gouvernement peut-il financer les actions programmées ?

Du dernier conseil des ministres, il ressort que les nouvelles autorités sont préoccupées par la souffrance des populations et qu’elles voudraient essayer d’y remédier. C’est ainsi que le gouvernement que dirige Mohamed Béavogui envisage l’achat de bus devant « servir à alléger la souffrance des usagers des transports publics ». Au ministre du Commerce, il a également été demandé « d’étudier la possibilité de subventions pour diminuer le prix du pain aux consommateurs ». Enfin, au ministre en charge de la Santé, le conseil recommandait « d’entamer les études de réhabilitation de l’hôpital Ignace Deen ». Ces différentes annonces sont évidemment applaudies par l’opinion publique. Mais dans quelle mesure sont-elles réalistes ? Comment le gouvernement de la Transition pourrait-il s’y prendre pour honorer ces engagements, vu qu’en cette période de transition, les relations avec les bailleurs classiques ne sont pas toujours au beau fixe ? Pour répondre à ces questions, Ledjely.com a interrogé deux consultants économiques dont nous vous proposons ici les analyses croisées.

Interroger la faisabilité et la pertinence

Quelques jours avant sa chute, le gouvernement du premier ministre Ibrahima Kassory Fofana disait à qui veut l’entendre que les caisses de l’Etat sont vides. C’est même l’argument principal qui avait été servi pour justifier la hausse du prix du carburant à la pompe, au début du mois d’août dernier. La situation était si désespérée, nous disait-on, que le président Alpha Condé faisait de l’accroissement et de la sécurisation des recettes de l’Etat, sa nouvelle obsession. Seulement, moins de trois mois après, c’est un tout autre tableau que l’on nous présente. L’économie guinéenne semble si bien se porter que le CNRD n’a pas hésité à revoir à la baisse le prix du carburant. Et même, il voudrait engager des chantiers qui, quelques mois plutôt, relevaient pratiquement de l’imaginable. Le tout, sans aucune hausse de taxe. Le changement est si brusque qu’il convient d’interroger la faisabilité et même la pertinence des initiatives qui sont annoncées. D’autant que les robinets des partenaires ne sont pas toujours ouverts pour des régimes en transition.

L’aide extérieure ? Pas si nécessaire

Pour Mamadi Sitan Keïta, les annonces résultant du dernier conseil des ministres sont à la portée des nouvelles autorités. S’il recommande qu’elles soient dans un premier temps envisagées comme des propositions et qu’il faille attendre un planning précis pour se prononcer, ce consultant international, spécialisé en développement économique et social croit néanmoins que « si les ressources publiques sont bien gérées, on n’a pas besoin de l’aide extérieure, en matière de financement ». Citant les propos du Gouverneur de la BCRG disant récemment que le trésor public s’était désendetté au niveau de la Banque centrale à hauteur de 1 milliard de dollars, il pense qu’avec l’assainissement des finances publiques par la lutte contre le pillage des ressources, la Guinée dépendra moins de l’aide extérieure. D’ailleurs, il tient à relativiser cette dernière. En guise d’exemple, dit-il, dans le cadre du programme de la Facilité élargie de crédit (FEC), pour la période 2017-2019, la Guinée n’a reçu du FMI que 170 millions de dollars, soit moins de 60 millions par an. « Si l’on part du principe que la population guinéenne fait 12 millions d’habitants, cela équivaut à moins de 5 dollars par Guinéen et par an », dit-il. Or, le produit intérieur brut (PIB) en Guinée est de 12 milliards de dollars, soit au minimum 800 dollars par Guinéen et par an. Ceci étant, Mamadi Sitan Keïta n’exclut pas tout à fait que les nouvelles autorités soient dans une logique d’opération de charme en direction des populations.

Réhabilitation de Ignace Deen, pas très réaliste

Des annonces populistes ? C’est davantage ainsi que Mohamed Camara, de son côté, définit les décisions annoncées à l’issue du conseil des ministres. Associé Gérant du cabinet Mocam Consulting, il tient tout d’abord à rappeler que la plus grande partie du budget d’investissement de 2020 avait servi à financer le double scrutin du 22 mars et la présidentielle du 18 octobre. « Seuls 5 % avaient été véritablement utilisés à des fins d’investissement », précise-t-il.  Examinant ensuite au cas par cas les annonces des nouvelles autorités, il trouve peu « probable » qu’elles puissent se concrétiser. D’abord, pour ce qui est de la réhabilitation de l’hôpital national Ignace Deen, il se sert du l’expérience Donka comme élément de comparaison. Dans ce dernier cas, c’était un partenariat public-privé financé à hauteur de 50 millions de dollars par la Banque islamique de développement (BID). Or, il faut 10 % de ce montant pour rendre disponible l’étude de faisabilité du projet (recrutement d’un consultant, élaboration du cahier des charges et des TDR pour le recrutement d’un cabinet international). « Bien sûr, la Guinée peut trouver les 5 millions de dollars pour financer l’étude de faisabilité », reconnait Mohamed Camara. Qui se demande néanmoins si un gouvernement de Transition dont la vocation, d’un point de vue réaliste, est de prendre charge les revendications sociales – tel le pouvoir d’achat – s’engagera dans un tel projet. « Surtout qu’il n’est pas certain que les travaux puissent se terminer durant la transition et que la réhabilitation soit enregistrée au titre des acquis des nouvelles autorités », note-t-il.

Achat de bus, pas opportun

Pour ce qui de l’achat éventuel de bus, il se demande tout simplement si c’est nécessaire. Rappelant en effet les exemples précédents de la Sotragui et de Soguitrans, il pense que l’initiative ne sera pas viable sur le long terme. « Le problème n’est pas véritablement dans l’acquisition des bus. Mais une fois qu’ils sont acquis, il va falloir mettre en place une société publique en charge de leur exploitation. Il se trouve qu’avec les 100 bus donnés par les Chinois et ceux d’Albayrak, on s’est rendu compte qu’avec les 1000 GNF que paient les citoyens, la société ne peut même pas assurer l’entretien des engins et le salaire du personnel (chauffeurs et garagistes », explique notre consultant. En fin de compte, dit-il, l’achat des bus risque de déboucher sur la création d’un poste de dépenses dont l’Etat pourrait finir par se lasser. Pour la résolution du problème épineux de la circulation à Conakry, il préconise la stratégie multimodale (routes, voies ferrées et mer) déjà à disposition du ministère des Transports.

Subvention du blé, c’est déjà le cas

Enfin, au sujet de la subvention envisagée pour réduire le prix du pain, Mohamed Camara trouve qu’à ce niveau, les autorités ont été mal renseignées. Autrement, selon lui, la subvention dont on parle ici est déjà une réalité. « Il faut déjà savoir qu’il y a cinq produits qu’on dit stratégiques qui bénéficient d’exonération. Ce sont : la farine, l’huile, le sucre, le riz et l’oignon », souligne-t-il. Encore que dans le cas de la Guinée, les autorités du régime déchu s’étaient, selon lui, penchées sur la question du prix du pain. C’est ainsi que, relève-t-il, le gouvernement avait garanti un emprunt de 25 millions de dollars en faveur de la société nouvelle de commerce (Sonoco), de la part de IFC. « Cet appui s’inscrivait dans le cadre de l’initiative de promotion des champions économiques locaux. Et pour ce qui est de Sonoco, c’était pour lui permettre d’accroitre les capacités de transformation du blé afin de satisfaire la demande de tout le pays en farine ». Car, précise Mohamed Camara, en Guinée, on n’importe plus la farine, mais plutôt le blé. Blé qui, lui-même, bénéficie d’une exonération pour permettre à Sonoco de rembourser l’emprunt. Comme pour dire qu’à ce niveau, les mesures envisagées par les nouvelles autorités l’ont déjà par celles qui les ont précédées.

Boubacar Sanso BARRY   

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