Ce 25 mai, est jour férié dans de nombreux pays africains dont la Guinée. Une manière de rendre hommage aux dirigeants du continent qui, plutôt visionnaires, matérialisaient il y a 59 ans l’idée de l’unité africaine. Une manière aussi d’admettre la pertinence de cette démarche dont la vocation est de supplanter les fossés hérités de la colonisation, pour mettre sur pied un ensemble unitaire susceptible de mieux faire face aux enjeux de développement et mieux se défendre face aux assauts venant de l’extérieur. Mais 59 ans après l’acte courageux et plein de symbole posé sur les hauteurs d’Addis Abeba, que retenir du chemin parcouru ? Les acquis sont-ils à la hauteur des espoirs que nourrissaient les pères fondateurs de l’Organisation de l’unité africaine (OUA), devenue désormais Union africaine (UA). Au regard de tout ce qui prévaut aujourd’hui sur l’ensemble du continent, on ne peut malheureusement pas réserver à cette question une réponse affirmative. En ce jour anniversaire, l’objectivité commande qu’on admette qu’il y a encore du chemin à parcourir. Les Africains ne sont pas plus unis. L’Afrique n’est pas plus indépendante. Pire, à regarder de près certaines crises, on croirait que le continent marche à reculons.
Un bilan bien maigre
Soyons juste et équitable. Il n’y a pas que le tableau sombre. Ainsi, l’Afrique toute entière est aujourd’hui libérée du joug colonial. L’apartheid en Afrique du sud relève, quant à lui, du souvenir. Quant aux efforts d’intégration, à défaut de déboucher sur la création des Etats-Unis d’Afrique, ils ont certainement favorisé la création des Communautés économiques régionales. Dans certains cas, cela se traduit par le principe de la libre circulation des personnes et des biens au sein de la même communauté économique régionale. Mais à l’arrivée, au bout d’une soixantaine d’années, le bilan parait bien maigre. Surtout si l’on imagine qu’aujourd’hui encore, le Maroc et l’Algérie continuent à se regarder en chiens de faïence et que le Soudan du sud est sorti des entrailles du Soudan.
Vaste no man’s land
Mais il y a pire comme marqueur négatif. Les coups d’Etat au Soudan, au Mali, au Tchad, en Guinée et plus récemment au Burkina Faso rappellent en effet que le continent africain n’en a pas fini avec ses démons. Succédant à des pouvoirs civils dans les cas du Mali, de la Guinée et du Burkina Faso, ces putschs tendent à remettre en cause les acquis démocratiques que l’on croyait avoir engrangés en particulier dans l’espace CEDEAO, qui passait pour le peloton de tête. S’y ajoute l’insécurité qui a fini par transformer toute la zone sahélienne en un vaste no man’s land. Ainsi, le Mali et le Burkina Faso, jadis prisés par les touristes, sont désormais devenus des repaires de criminels et de terroristes de la pire espèce. La Libye n’est plus que l’ombre de ce qu’elle a été. Le Nigéria avec les problèmes sécuritaires qui l’assaillent, passent pour un géant aux pieds d’argile. L’Afrique du sud, l’autre puissance économique du continent, demeure de plus en plus associée à la corruption et aux inégalités sociales qu’elle n’arrive pas à juguler. Et si l’on complète le tableau avec l’immobilisme qu’on peut remarquer au Congo-Brazzaville et au Cameroun, on réalise très bien qu’il n’y a pas de quoi jubiler. D’autant que la bataille que Russes et Français se livrent au Mali vient nous rappeler que l’indépendance n’a jamais été qu’une illusion.
Qu’on ne s’étonne pas
Voilà donc le bilan de l’OUA et de l’UA réunies. En somme, pas grand-chose à se mettre sous la dent. Or, on n’a pas ici abordé les questions économiques, le défi écologique, l’enjeu de la bonne gouvernance ou encore la problématique du genre et plus globalement des droits humains. D’un sommet à un autre, on renouvelle les engagements, on réitère les ambitions. Mais la jeunesse africaine continue de braver les déserts et les océans pour se retrouver ailleurs, envisagé comme l’eldorado. Quel paradoxe ! L’Afrique qui a besoin de tous ses fils et filles pour son essor, pousse ses cerveaux et sa force de travaille à l’abandonner. Qu’on ne s’étonne pas alors que les Chinois, les Indiens et les Turcs, en plus des autres, veillent occuper la place laissée vacante.
Boubacar Sanso Barry