Jusqu’ici, c’était un espoir. Mais désormais, cela relève de la réalité. Après en avoir été exclue durant les quatre dernières années, l’opposition béninoise est bel et bien de retour au parlement. Il ressort en effet des résultats provisoires des élections législatives du 8 janvier dernier que le parti Les Démocrates, de l’ancien président Boni Yayi, a obtenu 28 des 109 sièges qui étaient en jeu. On ne peut donc pas parler de raz-de-marée et le président Patrice Talon n’a pas de souci à se faire au sujet des projets de loi que son gouvernement serait amené à soumettre au parlement. Mais le Bénin revient de si loin que les 28 députés obtenus par l’opposition passent pour un symbole et un espoir. Espoir que le pays, à la suite d’une parenthèse durant laquelle on a frôlé la remise en cause des acquis démocratiques, redevienne le phare qu’il avait jusqu’ici incarné. Encore que pour cela, Patrice Talon devra faire mieux que d’admettre le droit de l’opposition à prendre part à un scrutin. Le Bénin devra pour cela redevenir un espace de débat réel et d’une contradiction féconde.
Un scrutin sans grosses fausses notes
Le pouvoir béninois sort plutôt gagnant des législatives de dimanche dernier. D’abord, avec les 81 députés que totalisent les deux partis de la mouvance présidentielle, cette dernière n’a rien à craindre du retour de l’opposition au parlement. Ensuite, avec ces législatives ayant le sceau de l’inclusivité, l’image de Patrice Talon que l’on a jusqu’ici davantage assimilé à un fossoyeur de la démocratie, s’en trouve améliorée. A cela s’ajoute que dans l’organisation du scrutin, on n’a pas relevé de grosses fausses notes. En sorte que pour l’heure, il n’est pas encore question de contestation des résultats, contrairement à ce qui serait déjà arrivé sous d’autres cieux. L’autre gagnant de ces élections, c’est le parti Les Démocrates de l’ancien président Thomas Boni Yayi. Les 28 sièges qu’il a engrangés à l’issue de ces élections sont d’autant plus honorables que le parti n’a été reconnu qu’en 2020. Même s’il est vrai qu’avec Boni Yayi, toute son expérience et son aura, le parti ne partait pas de rien. Mais c’est tout de même une prouesse qu’il réalise, dans le contexte de la terreur que Patrice Talon a fait vivre à toute l’opposition ces dernières années.
Poursuites judiciaires pour les uns, embastillement pour les autres
Justement, c’est de ce côté que le pouvoir béninois doit consentir des efforts. Patrice Talon et son gouvernement doivent en premier lieu tirer les leçons du taux de participation historiquement bas aux élections législatives de cette année. Si en effet, 62 % des électeurs béninois n’ont pas jugé utile d’aller voter, c’est parce que la crispation politique les en a dissuadé. A la détente et à l’atmosphère empreinte de débats structurés et dépassionnés qui faisaient la réputation du Bénin, Patrice Talon, depuis son arrivée à la tête du pays, a substitué une logique de rapport de force et un désir d’anéantir l’opposition et au-delà tous les contre-pouvoirs. Focus sur les réformes économiques, il s’est évertué à coller aux uns des poursuites judiciaires pour corruption et embastiller les autres pour de fantaisistes accusations de terrorisme. Deux des leviers dont il s’est servi pour soumettre les opposants à un insoutenable harcèlement au point de réduire ces derniers à leur plus petite expression. C’est ainsi que Reckya Madougou et Joël Aïvo purgent des peines de prison respectives de 20 et 10, pour ‘’terrorisme’’ pour la première, et ‘’complot contre l’autorité de l’Etat’’, pour le second. Sabastian Ajavon et d’autres, quant à eux, sont contraints à l’exil.
Remise en cause
Mais de toute évidence, le président du Bénin a lui-même fini par réaliser les limites de sa conception plutôt solitaire du pouvoir. Il est en tout cas souhaitable que le climat qui a caractérisé la tenue des dernières législatives soit la conséquence de cette prise de conscience et de cette remise en cause. Mais cela suppose qu’il aille plus long encore dans la détente et l’apaisement. Lui qui en est à son second mandat, il en va de la place que l’histoire gardera de lui et de l’héritage qu’il léguera à son successeur quand l’heure viendra pour lui de partir.
Boubacar Sanso Barry