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Halimatou Baldé : « Ce n’est pas la polygamie, dans sa globalité, qui est mauvaise »

Activiste des droits de l’homme (et de la femme en particulier), éducatrice et jeune actrice politique, Halimatou Baldé dénonce vigoureusement les violences basées sur le genre (VBG). A travers son roman ‘’Les martyres de la tradition’’, elle s’élève particulièrement contre les pratiques que sont les mariages forcés, les violences conjugales, le lévirat ou encore la polygamie. Ceci étant, Halimatou se veut une militante lucide. Ainsi, pour ce qui est de la polygamie, elle peut l’admettre à certaines conditions. Conditions au nombre desquelles il y a le fait que le nombre de femmes ne puisse pas dépasser deux. Pourquoi ce choix médian ? Elle s’en explique dans l’entretien exclusif qu’elle a accordé cette semaine à la rédaction du Djely.  

Pourquoi avoir écrit ‘’Les martyres de la Tradition’’ ?

J’ai écrit ‘’Les martyres de la tradition’’ pour dénoncer les violences que subissent les femmes à longueur de journée, les violences qui se passent soit en famille, soit dans la société. Je l’ai également écrit pour éclairer certains activistes par rapport aux raisons qui poussent les familles à donner les jeunes filles en mariage avant la majorité. Parce qu’on a tendance à toujours dénoncer des faits mais au préalable on ne cherche pas à savoir quelles sont les raisons. Alors que quand on veut vraiment changer une situation, il faut s’intéresser à la cause avant de s’intéresser à l’effet. Bref, j’ai écrit pour dénoncer, éclairer, pour interpeller la société mais aussi pour proposer des solutions.

Les personnages de votre livre, à la lumière de ce vous leur faites subir, symbolisent les méfaits de la tradition sur les femmes. Qu’espériez-vous en l’écrivant ?

Pour ce qui est des personnages – Binta, Yarie, Doussou et Sia – j’ai juste fait un choix qui symbolise peut-être une Guinée plurielle, avec plusieurs cultures et noms. C’est le titre qui symbolise les violences ou les martyres de la tradition, parce qu’il démontre en quelque sorte le côté néfaste de la tradition. Et j’espère qu’on me comprendra. Mon souhait est qu’après la lecture chacun essaie d’en tirer quelques choses, de comprendre d’abord que les femmes qui subissent les violences en souffrent vraiment. J’espère donc que quiconque lise le livre puisse être défenseur des droits des femmes, en combattant ces violences partout où il se trouve.

Au nombre des tares que vous dénoncez dans votre livre, il y a la polygamie. Mais on a l’impression que vous n’êtes pas tout à fait opposée à cette pratique. Expliquez-nous ?

J’estime que ce n’est pas la polygamie, dans sa globalité, qui est mauvaise. Mais e sont juste les conditions dans lesquelles elle est pratiquée. C’est pourquoi j’ai proposé qu’on revoie les conditions peut-être qu’on essaye de trouver une polygamie adaptée à notre situation actuelle.

Une polygamie adaptée à notre situation actuelle, ce serait quoi concrètement ?

D’abord, il faudrait prendre en compte que je suis musulmane pratiquante et que j’ai milité au sein de l’Association des élèves et étudiants musulmans de Guinée (AEEMG). Je prends donc en compte le fait que la polygamie est quelque chose qui est autorisé par l’Islam. Maintenant, pour ce qui est de la polygamie adaptée à nos réalités d’aujourd’hui, c’est une polygamie conditionnée à la capacité du mari à prendre en charge ses épouses, de manière à ce que chacune d’elles ait son espace de vie séparé de celui de sa coépouse. C’est aussi une polygamie conditionnée à la capacité du mari à garantir l’équité entre les femmes. Et c’est une polygamie avec au maximum deux femmes. Parce qu’on imagine qu’une femme peut se priver de son mari pendant les deux jours que celui-ci doit passer chez sa coépouse. Mais si cette attente est étendue à environ une semaine, cela peut être lourd à supporter. Par ailleurs, une polygamie limitée à deux femmes peut être perçue comme une opportunité pour une femme qui souhaite booster sa carrière. En effet, elle peut mettre à profit son temps libre pour travailler, se former et renforcer ses capacités.

Vous préconisez aussi l’habillement décent chez la femme ?

Oui, parce que j’estime que cela est culturel. Dans la société traditionnelle africaine, la femme symbolise la décence et la pudeur, donc je veux qu’on garde cette tradition qu’une femme ne cherche pas à exposer son corps pour exister ou à toujours afficher ses entrailles et ses contours. Cela n’a pas de sens. Donc, il faut s’habiller décemment et travailler pour avoir un potentiel. Cela veut dire que soit vous êtes intellectuellement bien formée, et c’est cela que vous mettrez en avant ; soit vous êtes commerçante ou vous avez une activité qui vous permet d’exister, et c’est plutôt cette dimension-là (talent, compétence) que vous privilégierez, au lieu de mettre l’emphase sur votre corps. Votre corps de femme que vous devez toujours garder sacré.

Vous êtes femme politique vous-même. Que pensez-vous de l’évolution des femmes dans ce monde-là ? 

L’évolution des femmes dans ce milieu-là reste plutôt timide et lente. Je ne dirai pas qu’elle n’est pas satisfaisante, mais si on essaye d’aller plus loin et de faire mieux, ce serait l’idéal. Par conséquent, il faut faire le nécessaire pour qu’il y ait un maximum de femme et surtout pour que les femmes viennent en politique. Parce qu’elles y ont leurs places et leurs rôles et elles peuvent y apporter de la plus-value. Car, soyez sûr, plus de femmes en politique, ça changera positivement le pays.

Propos recueillis par Massaran Camara

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