C’est un contraste qui n’a pas pu passer inaperçu. Ce samedi 22 juillet, l’Assemblée générale du RPG-arc-en-ciel devait avoir quelque chose de particulier. Parce qu’Alpha Condé, silencieux depuis des mois, promettait de s’y exprimer. Il entendait prendre la parole pour parler du parti et peut-être de la gestion de la Transition. Mais curieusement, aucun des responsables qui se battent tant bien que mal pour la survie du parti jaune n’était là. Ni Saloum Cissé, ni Lansana Komara. Pas même l’ancien ministre de l’Agriculture, Marc Yombouno, qui a pourtant animé les quelques rares réunions hebdomadaires du parti, ces dernières semaines. En revanche, des militants à la base dont des jeunes et des femmes étaient là en grand nombre. Mais l’absence des cadors est à coup sûr symptomatique de quelque chose.
Il s’ajoute à ce tableau que la prise de parole du président Alpha Condé n’a finalement pas eu lieu. Ce qui a d’ailleurs suscité une certaine frustration de la part des militants qui s’étaient mobilisés dans l’espoir qu’ils entendraient le leader historique. Certaines des femmes qui avaient effectué le déplacement s’apprêtaient d’ailleurs à partir du siège quand, sans doute pour sauver les meubles, Lamine Waraba Sacko, un inconditionnel de l’ancien président, a subitement fait irruption dans la salle, le téléphone à bout de bras. Il criait, soulagé et triomphaliste à la fois : « En direct ! En direct ! ». L’assistance a alors pu voir Alpha Condé qui, par visioconférence et de ses deux mains, saluait la foule.
Lamine Waraba d’expliquer alors : « Vous avez-vous-mêmes remarqué le problème de connexion. La salle était bourrée, mais on a fait de notre mieux pour que le professeur Alpha Condé puisse se voir avec ses militants et que ceux-ci voient que leur champion se porte mieux ».
Mais est-ce suffisant pour balayer les suspicions et masquer le malaise ? Que ce contact stratégique entre Alpha Condé et ses militants n’ait pas eu lieu, est-ce vraiment la faute à une connexion défaillante ? L’explication de ce rendez-vous manqué ne se trouve-t-elle pas plutôt dans le fait que cette prise de parole n’était pas partagée par les responsables du parti basés à Conakry ? Désaccord qui lui-même expliquerait leur absence à la rencontre ? D’autant que cela aurait pu leur faire courir des risques de la part des autorités de la Transition.
En tout cas, des indiscrétions laissent croire que l’approche jugée « cavalière » et plutôt « martiale » de l’ancien président ne ferait plus l’unanimité. « Il continue à vouloir gérer le parti comme s’il était encore président de la République », nous souffle-t-on. Aux yeux de certains, l’insistance d’Alpha Condé à revenir réoccuper son poste de président est à la fois « irréaliste et égoïste ». Déjà, avec le recul, on trouve que le troisième mandat était la « tentation de trop ». « Alors, quand à 86 ans, il persiste à vouloir revenir, ça n’a pas de sens », admet un ancien de l’administration sous Alpha Condé, désormais hors du pays.
D’autant que la perte du pouvoir lui est particulièrement imputable. « Il est vrai que le parti avait rempli sa mission politique en battant l’opposition à la présidentielle de 2020. Le coup d’Etat, c’est d’abord parce qu’il s’était coupé de tout le monde. Ensuite, Mamadi Doumbouya, c’est lui seul qui en est responsable. Mais au lieu d’assumer, il veut imposer son retour au pouvoir comme l’unique agenda du parti », susurre un ancien qui a pris ses distances avec les activités du parti.
Bref, après le pouvoir, Alpha Condé pourrait donc perdre le contrôle ou même enterrer le RPG, l’ultime instrument sur lequel il peut encore compter pour continuer à peser dans le débat politique.
Aminata Camara & Boubacar Sanso Barry
