Pour le capitaine Ibrahim Traoré, l’heure du bilan approche à grandes enjambées. En effet, dans un peu plus deux mois, le jeune officier soufflera la première bougie de son arrivée à la tête du pays des hommes intègres, à la suite du coup d’Etat qu’il avait perpétré en octobre contre le lieutenant-colonel Paul Henri Sandaogo Damiba. Or, à l’approche de cet anniversaire, on ne peut pas dire que la situation sécuritaire du pays est plus reluisante aujourd’hui qu’elle ne l’était il y a un an. Tout au contraire, au-delà des communiqués épisodiques de l’armée faisant état de « terroristes neutralisés » ça et là, certains croient même que les choses se sont aggravées.
En tout cas, on pleure toujours des militaires et des VDP qui meurent au front ou qui périssent au gré des embuscades des djihadistes. Les zones échappant au contrôle de l’Etat burkinabè n’ont pas non plus diminué. Pire, baignant sous une chape de plomb qui bride à la fois la liberté d’expression et la pluralité des opinions, le Burkina Faso s’est littéralement transformée en une cocotte-minute pouvant exploser à tout à moment, du fait de frustrations et des rancœurs contenues. Et c’est dans ce contexte que le président de la Transition, sans doute dans une opération de communication, vient d’exhiber les nouveaux équipements acquis par l’armée. Certainement, ça manière à lui de remobiliser les troupes et de rebooter le moral en berne de ses compatriotes.
A priori, aucun mal à ce qu’en période de guerre, le chef veuille redonner du courage à la fois à l’armée et à la population dans son ensemble. Parce qu’il est vrai qu’une guerre se remporte d’abord au mental. Mais contre les terroristes qui ont transformé le jadis paisible et très touristique Burkina en un vaste no man’s land, cela ne suffit pas. En plus, il faudra des soldats aguerris et l’équipement qu’il faut. Le capitaine Traoré assure que cette condition-là est réunie. Véhicules de combat, armes de pointe, drones,…les nouveaux partenaires du pays n’auraient pas lésiné sur les moyens. Il y a donc de quoi lancer une contre-offensive contre les terroristes et mettre ainsi fin au supplice des populations. Encore que deux autres facteurs sont nécessaires à la victoire escomptée.
Le premier, ce sont les renseignements. Même dans une guerre conventionnelle, les renseignements, c’est quelque chose de stratégique. Savoir où se trouve l’ennemi, quels sont ses repères, où stocke-t-il ses armes et quelles sont ses prochaines actions ? Si on est capable de disposer de ces informations en amont, cela confère un avantage non négligeable sur l’adversaire. Mais cela suppose des moyens d’observation et d’écoute, au-delà des troupes combattantes. Habituellement, c’est à ce niveau qu’interviennent les partenariats avec les puissances extérieures, notamment occidentales. Ces dernières disposant généralement des technologies qu’il faut pour aller recueillir ces informations cruciales. Les partenaires du Burkina Faso d’aujourd’hui peuvent-ils aider dans ce sens ? Ce n’est pas très sûr.
Mais à supposer qu’on réunisse les équipements et les renseignements requis, il demeurerait toujours la question que voici : les moyens militaires à eux seuls peuvent-ils vaincre le terrorisme ? Et la réponse a toujours été non ! C’est pourquoi il est important pour le capitaine Traoré de ne pas faire l’impasse sur les droits humains et les libertés. La lutte contre le terrorisme ne doit pas servir d’alibi à tous les abus et à tous les excès. On doit s’efforcer de relever le défi de l’insécurité, tout en veillant à garantir la justice et l’équité entre tous les Burkinabè. Autrement, en voulant chasser le démon venu d’ailleurs, on risque d’élever le monstre de l’intérieur.
Boubacar Sanso Barry