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Procès du 28 sept : Mouctar Bah raconte…

Le procès du 28 septembre qui a repris le 3 octobre dernier, après une pause de deux mois, s’est poursuivi ce lundi devant le tribunal criminel de Dixinn, délocalisé à la Cour d’appel de Conakry, situé à Kaloum. Et au compte de ce lundi, c’est le journaliste et correspondant de RFI et l’AFP, Mouctar Bah qui raconte ce qu’il a vécu et vu. Ayant reçu des coups et victime de traumatisme, il raconte par le menu les scènes dont il a été témoin et met en cause notamment le colonel Moussa Tiégboro Camara.   

Son récit, Mouctar Bah le fait remonter d’abord au séjour du président Dadis à Labé, 48 heures avant les massacres du stade du 28 septembre, à Conakry. « Samedi 26 septembre, nous étions à Labé avec le capitaine Dadis pour son meeting. Au cours de cette rencontre, j’étais avec mon confrère Amadou Diallo de la BBC. Quand le président Dadis a vu nos micros, il a dit RFI et la BBC sont là, donc tout le monde saura ce qui se passe au Fouta théocratique ». Et cette déclaration se révélera fort utile pour les deux, quand il se retrouveront pris au piège des événements dans l’enceinte du stade du 28 septembre.

Justement, le lundi 28 septembre, Mouctar Bah, en journaliste, prend le chemin du stade. Il était au niveau de la pharmacie Manizé quand il vu le colonel Tiégboro arrivé. L’ancien patron du service anti-drogue est applaudi tout de suite par les jeunes qui sont là. « L’ambiance était bon enfant », se rappelle même Mouctar Bah. Dans cette ambiance festive, les foules qui affluaient de Madina via Pharmacie Guinée et de la Belle-vue ont fait « jonction au stade. Mais le stade était fermé. Ce sont des gendarmes et les hommes du gouverneur Diop qui étaient installés devant le grand portail ».

Mais quand le monde a convergé sur l’esplanade, « Tiégboro et tous les autres ont fui pour aller vers l’université ». Mais « les gendarmes avaient quitté et donc les manifestants sont rentrés à l’intérieur du stade. Par la suite, les gendarmes et les policiers de la CMIS de Cameroun sont revenus.  A leur retour, Ansoumane Camara Bafoé et Tiégboro étaient présents sur les lieux. Donc, il y a eu une discussion houleuse entre les deux.  C’est à la suite de cette discussion que Tiégboro a haussé le ton, en ordonnant ‘’Chargez’’ », raconte Mouctar Bah.

Cet ordre a sonné le début du désordre. « Matraques, lacrymogène, coups de pied, ça a vraiment dégénéré », réitère-t-il. Et c’est dans ce chaos qu’il a été arrêté par des policiers de la CMIS.  « Ils ont arraché mes appareil (micro, un de mes téléphones) qu’ils ont cassé sous mes yeux, ils m’ont embarqué dans un véhicule de la CMIS. Un moment Bafoé est venu en courant quand il m’a vu dans le pick-up. Il a crié sur les policiers en leur demandant qui m’avait embarqué. Il les a insultés en les traitant d’ignares et il m’a demandé de descendre. Ainsi, je me suis dirigé vers le carrefour et j’ai entendu quelqu’un dire qu’il y a eu un mort et c’était vraiment la première victime, le corps était couché à l’abri de la police routière. Ainsi, je suis rentré dans le quartier pour envoyer les premiers éléments à ma rédaction », relate encore Mouctar Bah

Ces éléments envoyés, le voilà qui revient dans l’enceinte du stade. « À peine arrivé à l’intérieur du stade, j’entendais les crépitements des armes. J’ai vu un déménagement indescriptible, c’était le sauve-qui-peut. Je suis sorti vers la porte par laquelle rentrent les footballeurs, c’est-à-dire derrière la tribune. Je voulais grimper les murs pour aller vers les rails, mais je ne pouvais pas. Ainsi, j’ai rencontré Amadou Diallo de la BBC, lui et moi on a cherché un abri vers le terrain de tennis, dans un bâtiment inachevé. On voyait les jeunes manifestants qui escaladaient les murs de l’université générale Gamal abdel Nasser. On entendait les tirs et on voyait les enfants retomber dans la cour du stade vers le stade annexe. Mais on ne voyait pas les tireurs, on attendait seulement le crépitement des armes pendant un bon moment », rapporte-t-il également.

Les ennuis de Mouctar et de Amadou Diallo ne s’arrêtent pas là pour autant. « Quand on est sortis de notre cachette, les militaires bérets rouges nous ont arrêtés et insultés. Ils nous ont dit : ‘’On va vous tuez, on va vous exécuter, mettez-vous à genoux’’. Mon confrère a obéi, moi j’ai dit que je n’étais pas manifestant. Un d’entre eux m’a cogné dans le dos. Je suis tombé dans la boue, on m’insultait. Un autre a même fait sortir son arme et l’a pointé sur ma poitrine, en disant : ‘’On va te tuer, on va te flinguer’’. Ainsi, j’ai dit dans un cri de désespoir que si cela peut sauver la Guinée, alors qu’il n’hésite pas. J’ai répété cette phrase trois fois. Et on en était là quand deux autres plus gradé sont arrivés en courant. Ils ont crié : ‘’Laissez-les, ne les tuez pas, ce sont des journalistes, ils étaient avec nous à Labé’’. C’est la raison pour l quelle j’ai commencé ma narration par ma présence à Labé », se remémore encore Mouctar. Les ayant sortis de ce pétrin, un des officiers instruit à un policier de les escorter vers la sortie. Ce dernier, tenant une branche d’arbre et criant ‘’Journalistes ! Journalistes ! les a donc aidés à sortir. « Mais il y avait des corps partout », se rappelle le confrère.

« Arrivés au niveau du palais des sports, une femme qui criait mon nom est sortie de nulle part en vitesse et a déclaré : ‘’Mr Bah, sauvez moi… ils sont en train de violer les femmes’’. J’ai dit à la femme de venir avec moi en la présentant comme mon assistante. Ça criait dans le palais des sports. En passant là-bas également, on a vu beaucoup de corps ainsi que les victimes blessées. Arrivé au grand portail, le policier nous a dit que sa mission se terminait là », relate Mouctar Bah.

Là aussi, selon lui, « Il y avait les gendarmes qui mataient les gens sur la terrasse avec les matraques. A ce niveau également, ils nous ont arrêté. Il y en a même un qui m’a retiré 150$ et il voulait prendre le sac de Amadou Diallo qui a voulu résister, ils ont tapé sa main avec la matraque. il a fait un mois sans travailler (…) des gendarmes en t-shirt vert  nous disaient aussi ‘’on va vous tuez, vous n’irez pas raconter ça’’.  Il y avait un monsieur du nom de Katy qui était un protocole de Dadis. Il a présenté son badge du CNDD en disant ”laissez-les, ce sont des journalistes”. C’est ainsi qu’on nous a cédé le passage. On est rentré dans le quartier Landreyah, mais il y avait des militaires partout. Donc, on ne pouvait pas allez loin, on a trouvé refuge dans une cour. C’est là que Me Amara Bangoura l’actuel secrétaire général de la grande chancellerie a pris sa robe d’avocat pour nous faire rentrer chez lui et il y’avait également plusieurs victimes blessées chez lui. Il s’était même transformé en médecin pour soigner les blessés. On est restés là-bas jusqu’à 18 h ».

Après cette folle journée, une journaliste qui travaillait à l’époque à la radio Nostalgie appelle Mouctar Bah, pour le prévenir qu’au cours d’une réunion tenue au camp Alpha Yaya Diallo en présence des hauts cadres de la junte, Moussa Dadis avait instruit de mettre aux arrêts les journalistes de RFI et la BBC, parce qu’ils auraient tout filmé.  Disant tenir ces informations d’un oncle à elle – militaire – lui-même dans le box des accusés, demandait alors à Mouctar Bah de quitter son domicile. C’est ainsi que, selon lui, qu’il est allé loger dans un hôtel situé à Kaloum pendant six jours, avant de rallier Pita où il est resté jusqu’au 30 octobre.

Aminata Camara

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