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Sénégal : désir de compromis, risques de compromission

Le mal sénégalais pourrait être plus important que ce qu’on en pensait. Parce que le problème va manifestement au-delà de Macky Sall. Le communiqué conjoint diffusé le lundi 12 février par Abdou Diouf et Abdoulaye Wade était en soi suffisamment éloquent quant au fait qu’on ne peut pas compter sur ces deux anciens présidents pour faire entendre raison à leur successeur. Or, on sait déjà que Karim Wade et les députés du PDS sont ceux qui ont manœuvré pour offrir à Macky le prétexte du report. Quant aux parlementaires de la majorité, qu’ils aient consenti à voter la loi entérinant le report du scrutin, en l’absence de leurs collègues de l’opposition que les gendarmes avaient expulsés de l’hémicycle suffit pour qu’on n’ait pas à compter sur eux pour réparer le tort fait à la constitution du pays. Il ne restait plus alors qu’Ousmane Sonko pour faire valoir les principes et porter la revendication de millions de Sénégalais pour le rétablissement du calendrier électoral. Eh bien, lui aussi serait désormais disposé à évoluer. Au point qu’un discret couloir de négociations relierait désormais sa cellule de la prison du cap manuel au palais présidentiel. Ainsi va la politique sous les tropiques. Y compris au Sénégal, hélas !

Réconciliation-illusion

Malheur à ceux qui croient aux politiques ! C’est ce que les Sénégalais risquent d’apprendre à leurs dépens. Parce que visiblement, le report de la présidentielle est avalisé par l’ensemble des acteurs qui comptent dans le pays de la Téranga. Les manifestants tués en mars 2021, ceux de juin 2023 ou encore les trois d’il y a moins d’une semaine, passent manifestement par pertes et profits. Désormais, au nom des jolis vocables de la « paix » et du « dialogue », on va se retrouver, se congratuler et, in fine, s’entendre que le scrutin est reporté. Dans la foulée, on chantera la maturité de la classe politique sénégalaise, on louera le génie qui a permis de trouver une issue à la crise sans recourir à l’extérieur. Le pire a été évité, jubilera-t-on. Oui, sur le court terme, l’image sera bien jolie. Du moins, celle qu’on vendra à l’opinion publique par le biais des médias et des réseaux sociaux. Quand des acteurs jadis viscéralement opposés se retrouvent pour sceller ce qui est présenté comme une réconciliation, ça peut faire illusion.

Les peuples, de fins observateurs

Mais en réalité, ce compromis-là sera une compromission qui risque de porter préjudice au pays et à son image pour longtemps encore. Quant à la classe politique, elle n’en aura pas nécessairement conscience ce jour-là, mais elle y laissera bien de plumes. Pire, les Sénégalais devraient se sentir trahis. Eux qui ont subi dans leur chair et leur être toute la violence que Macky Sall a imposée au pays tout au long de son second mandat, ne comprendraient pas notamment la volte-face de certains leaders politiques. Et ce déficit de confiance entre les peuples et la classe politique est le cancer qui gangrène nos Etats, l’un après l’autre, ces dernières années. Quand, dans un pays, les populations finissent par se convaincre que tous les acteurs politiques se valent, parce que tout le monde n’est préoccupé par ses propres intérêts, il n’y a plus rien à faire. En tout cas, c’est ce facteur qu’au Mali, Burkina Faso et Niger et qu’en Guinée, les militaires ont invoqué pour s’emparer du pouvoir et s’y installer. Pour combien de temps encore ? Personne ne le sait. Les acteurs politiques sénégalais ne devraient donc pas se limiter au court terme. Nos choix et nos actes, nous devons les évaluer sur la durée. Parce que les peuples, contrairement à ce que nous dicte notre arrogance intérieure, ne sont pas toujours bêtes. Fins observateurs, ils consignent tout et ont tendance à nous cracher nos compromissions au moment où on s’y attend le moins.

Boubacar Sanso Barry   

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