Jusqu’au samedi dernier, Kaba Condé était loin de s’imaginer qu’il figurerait sur la liste des personnes handicapées. Jusqu’à ce week-end-là, ce jeune originaire de Sanana, tout juste dans la vingtaine, avait encore ses membres supérieurs et inférieurs au grand complet. Mais d’un seul coup, une dispute qu’on pourrait trouver à la fois banale et triviale à propos d’un lopin de terre qui le malheur de receler de l’or, sa vie a basculé. Pris au piège d’une violence aveugle, il se retrouve aujourd’hui privé de ses deux bras. Rendu handicapé certainement à vie, il a reçu le correspondant régional du Djely à Kankan pour raconter l’indescriptible horreur qu’il a vécue et subie.
Le jour de ces affrontements violents entre jeunes de Gbérédou Baranama et Sanama, Kaba Condé revenait de Binko. Il s’y était rendu pour présenter des condoléances d’usage à la suite du décès d’un parent. Il revenait donc tranquillement de ce déplacement au motif social quand, subitement, il se retrouve au milieu de ces jeunes en furie. Assimilés au camp de Sanama, lui et trois autres sont arrêtés sans ménagement par ceux de Gbérédou Baranama. On les conduit illico presto chez le patriarche, puis auprès du sous-préfet.
Mais ce dernier a conscience qu’il ne peut lui garantir la sécurité. « Craignant pour ma sécurité, parce que n’ayant pas d’agents, le sous-préfet nous a conduits dans une école de la place ».
Malheureusement pour Kaba Condé et ses compagnons d’infortune, cette précaution ne sera guère suffisante. En effet, à 23 heures, raconte-t-il péniblement, « un groupe conduit par un jeune appelé Neuer est arrivé avec des gourdins, des coupe-coupe, des machettes et des morceaux de bois pour nous agresser. Nous étions au nombre de quatre, ils ont tiré sur deux à balles réelles. Les deux sont morts sur place. Quand ils sont arrivés à mon niveau, ils m’ont tapé avec du bois. D’autres ont utilisé des couteaux pour me taillader les bras. Après ces coups et blessures que nous venons de recevoir, le troisième jeune et moi avons fait les morts et c’est dans cet état que nous sommes restés jusqu’à 9 heures, à l’arrivée des militaires et du préfet de Kankan. C’est seulement à ce moment-là que j’ai réalisé que j’étais encore en vie ».
A l’endroit de la justice guinéenne, Kaba Condé n’a qu’un message : « Je demande qu’elle fasse son travail et rende justice ».
A l’instar du jeune Kaba, beaucoup de victimes des affrontements de Gbérédou sont admises à l’hôpital régional de Kankan pour des soins intensifs. Un calme précaire est quant à lui revenu dans la zone conflictuelle.
Michel Yaradouno, Kankan pour ledjely.com