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Tchad : que peut espérer encore l’opposition ?

Tous les observateurs de la scène politique tchadienne ont dû esquisser un sourire en apprenant le week-end dernier, qu’à l’issue de leurs assises, une quinzaine de partis politiques de l’opposition avaient décidé de boycotter les élections législatives du 29 décembre prochain au Tchad. En effet, avec un tel coup de pression, que peut espérer récolter l’opposition face à un pouvoir dont le déni de la démocratie et de ses attributs est un héritage assumé ? Un pouvoir qui plus est dont la tâche est facilitée par le fait qu’en face les opposants vont en rangs dispersés. Car le jeune Succès Masra, leader du parti des Transformateurs, après avoir cautionné l’élection de Mahamat Idriss Deby Itno, le 6 mai dernier, fait désormais valoir un discours empreint d’une arrogance telle qu’elle n’est pas de nature à faciliter l’unité de l’opposition. Le tout dans un contexte où la géopolitique internationale fait que les opposants tchadiens ne peuvent compter sur la compréhension ou l’écoute de personne.    

‘’Non-évènement’’

Un ‘’non-évènement’’, c’est ainsi qu’on pourrait assimiler le boycott annoncé des législatives tchadiennes par une partie de l’opposition. Non, ce n’est pas que les opposants ont tort ou que leurs revendications sont illégitimes. Au contraire, c’est à la fois noble et parfaitement compréhensible qu’en prélude à une élection, les protagonistes exigent la transparence du processus ou qu’ils sollicitent la révision du fichier ou un nouveau redécoupage électoral. On imagine même que ces revendications sont encore plus pertinentes au Tchad, un pays où les scrutins n’ont probablement jamais été équitables. Mais justement, dans un tel pays, à quoi ça sert de boycotter une élection ? Qu’est-ce que cela peut bien changer dans un pays où à la veille de la dernière présidentielle, on n’avait pas hésité à tuer Yaya Dillo, un des principaux challengers du président Mahamat Idriss Deby Itno ? Le fait est qu’au Tchad, toutes les élections sont jouées d’avance, en présence ou non de l’opposition.

Mégalomanie et arrogance

Deux autres facteurs sont susceptibles de rendre inefficace cette démarche de l’opposition. Tout d’abord, c’est sa division. Minés et vulnérabilisés par le pouvoir, les opposants tchadiens ont tendance à aggraver leur sort en travaillant davantage les uns contre les autres. Ainsi, Succès Masra dont on ne sait même pas si on peut encore compter lui comme alternative, est désormais porteur d’un discours qui tend à banaliser les autres formations de l’opposition. Faisant tout à la fois dans la mégalomanie et l’arrogance, il considère que la scène politique tchadienne ne compte plus que deux acteurs : le président et lui-même. Voilà qui est bien rabaissant pour les autres et qui ne les incline pas à travailler au rassemblement avec lui. D’autant qu’en ayant été premier ministre de Mahamat Idriss Deby Itno, le leader du parti des Transformateurs n’est plus si exemplaire qu’il voudrait le faire croire.

Changement de paradigme

Le dernier facteur qui joue contre les opposants tchadiens et même ceux d’autres pays de la région, c’est le contexte géopolitique qui prévaut aujourd’hui. Contexte se rapportant au rejet des pays occidentaux au Sahel au profit en particulier de la Russie. Mis à la porte, les Etats-Unis, l’Union européenne et plus singulièrement la France accusent le coup et révisent leur paradigme. Désormais, ils se montrent plus réalistes dans les pays où ils subsistent encore. Plus question de fâcher un gouvernement ‘’ami’’ en prenant fait et cause pour son opposant. Plus que jamais fragilisés, ces partenaires semblent s’être résolus à ranger ne serait-ce que momentanément certaines valeurs qu’ils étaient pourtant prompts à défendre jusqu’à récemment. Pendant ces moments d’incertitude, démocratie et droits humains passent au second plan. Ainsi donc, si l’opposition tchadienne ne participait pas aux législatives de fin décembre, cela ne devrait pas émouvoir grand-monde.

Boubacar Sanso Barry

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