Le Conseil National de la Transition (CNT) en Guinée a entamé une vaste campagne de vulgarisation de l’avant-projet de la nouvelle constitution. Cette démarche vise à informer le public des dispositions de ce texte fondamental en cours d’élaboration, et à recueillir les avis des citoyens pour donner au document son caractère d’inclusivité avant son adoption. Cependant, les avis divergent au sein de la société civile et des partis politiques quant à l’efficacité et la transparence de cette campagne, qui intervient alors qu’il ne reste plus qu’un mois et demi avant la fin de l’année.
Pour Joachim Baba Millimouno, responsable de la communication de l’Union des Forces Démocratiques de Guinée (UFDG), la vulgarisation de l’avant-projet constitue une étape importante. Il souligne que cette phase est essentielle pour assurer l’adhésion des citoyens en leur offrant l’occasion de faire entendre leurs suggestions et critiques. « La vulgarisation de l’avant-projet peut être une étape cruciale pour assurer une meilleure compréhension et acceptation par le public. Cela permet de recueillir des avis, des suggestions et des critiques qui peuvent être intégrés dans le projet final », affirme-t-i. Cette consultation, d’après Millimouno, « rend le processus plus démocratique et permet de refléter les attentes réelles de la population », di-il.
Néanmoins, il émet des réserves sur la posture du Président du CNT, Dr Dansa Kourouma, qu’il estime être davantage dans une logique défensive et partisane que dans une démarche d’ouverture au débat. « L’institution ne semble pas ouverte aux critiques et suggestions portant sur leur travail », déclare-t-il. Joachim Millimouno critique également le choix des interlocuteurs de cette campagne, majoritairement des lycéens, dont la compréhension des notions constitutionnelles pourrait être limitée. « Ces lycéens, interlocuteurs des missionnaires du CNT, comprennent-ils les notions et les enjeux ? Pas si sûr ! », s’interroge Jaochim.
Mamadou Saliou Barry, coordinateur national de la Maison des Associations et ONG de Guinée (MAOG), estime quant à lui que cette campagne intervient à un moment déterminant dans le cadre de la transition politique. Toutefois, il insiste sur la nécessité d’une démarche de sensibilisation approfondie, bien ciblée, et sans précipitation. « Il est essentiel d’informer correctement la population sur les enjeux et les implications du projet. Un travail de sensibilisation approfondi et bien ciblé reste nécessaire », souligne l’acteur de la société civile.
Barry considère que les organisations de la société civile devraient être mises davantage en avant dans cette campagne, étant donné leur proximité avec les populations. « Le CNT joue son rôle, mais il aurait été préférable de mettre davantage les organisations de la société civile en avant », explique-t-il, ajoutant que celles-ci sont mieux placées pour dialoguer avec les citoyens. Dans sa vision, « le CNT devrait intervenir en appui, notamment pour apporter une expertise, tandis que les associations et ONG pourraient jouer un rôle de premier plan dans la mobilisation des communautés », estime-t-il.
L’un des points de friction relevés par Barry concerne la différence entre une campagne de vulgarisation et une simple campagne de communication. Pour lui, une véritable vulgarisation doit être un processus interactif et participatif, où les citoyens peuvent exprimer leurs préoccupations et comprendre les enjeux sous plusieurs angles. Or, à ce jour, Barry estime que la campagne menée par le CNT ne répond pas entièrement à cette exigence d’interaction et d’ouverture au dialogue. « Une véritable campagne de vulgarisation doit favoriser le dialogue, expliquer les enjeux sous différents angles et inclure les préoccupations des citoyens. À ce jour, la campagne semble avoir sa forme normale de cette approche interactive et participative », déplore-t-il.
Les divergences de points de vue entre les acteurs politiques et la société civile sur cette campagne montrent la complexité de la transition politique en Guinée et la nécessité d’une véritable consultation citoyenne pour l’élaboration de la nouvelle constitution. Reste à voir si le CNT saura ajuster sa stratégie pour répondre aux attentes et aux critiques de ceux qui espèrent voir naître un texte reflétant les aspirations de l’ensemble du peuple guinéen.
Thierno Amadou Diallo