Après une semaine de la tragédie du stade du 3 avril à N’Zérékoré, qui a causé la mort d’une cinquantaine de personnes et fait plusieurs blessés, les survivants et les parents des victimes demandent justice. Comme de nombreux habitants de la capitale forestière, Solo Tolno, ce jeune nouvel employé était présent ce jour au stade pour assister à la finale du tournoi du trophée général Mamadi Doumbouya. Une rencontre qui avait opposé la formation de N’Zérékoré à celle de Labé respectivement. Malheureusement, le jeune qui était venu soutenir son équipe a fini par être l’une des victimes de la violence.
Aujourd’hui en état de convalescence, Solo Tolno se souvient encore de ce dimanche noir qui a failli lui ôter la vie.
« Je suis arrivé au stade à 15 h 35, les choses ont commencé devant moi. Avant le coup d’envoi de la rencontre, pendant que le public attendait avec impatience ce derby, c’est un chien qui a traversé le stade et tout le monde s’est mis à crier. Comme moi, je ne connais rien dans le monde mystique, mais certains ont dit que ce n’est pas un bon signe. Quelques instants après, les officiels ont tenu leurs discours et le match a commencé », a-t-il expliqué.
Poursuivant, il relate l’histoire du carton rouge. Selon notre interlocuteur, « c’est lors de la deuxième période, à la 75ᵉ minute, que l’arbitre a donné deux cartons rouges à deux joueurs de Labé pour indiscipline. Le match a été interrompu pendant quelques minutes. Après vérification, l’arbitre s’est rendu compte que l’un des joueurs n’avait pas de carton jaune, donc il a annulé son carton rouge pour lui donner un jaune. Il y a eu des jets de pierres, mais quelques minutes après, les choses sont entrées dans les normes », relate-t-il.
C’est vers la fin, suite à un cafouillage dans la surface de réparation de Labé, que l’arbitre accorde un pénalty à N’Zérékoré. « C’est de là que tout a digéré. Ce sont des jets de pierres qui commencent, puis les gaz lacrymogènes. Où j’étais sur le mur, j’ai cherché à descendre à l’intérieur du stade afin de sortir par la grande porte. Mais très malheureusement, je suis tombé dans la bousculade. J’étais par terre, les gens marchaient sur moi et je cherchais à soulever mes mains. C’est là qu’un jeune s’est mis à me tirer comme il n’a pu ; il a fait appel à un autre. Les deux sont venus me tirer et m’ont fait sortir et me déposer à côté », se souvient-il.
Incapable de se tenir debout, Tolno sera porté et évacué du stade. C’est ainsi qu’une dame qui habite dans les parages a apporté de l’eau glacée pour verser sur lui et certains autres blessés qui étaient couchés là, dans un premier temps.
De leur position, c’est une grenade lacrymogène lancée de l’intérieur du stade qui vient tomber où ils sont couchés.
« La dame a pris peur et est entrée s’enfermer. J’ai rampé pour aller me cacher où j’ai vu des briques stockées. Quelques minutes après, j’ai entendu des gens venir chercher les blessés. Moi aussi, j’ai poussé les briques et deux jeunes sont venus me chercher et me transporter sur la moto à l’hôpital. C’est comme ça que j’ai eu la vie sauve », témoigne Solo Tolno.
Aujourd’hui, Solo porte encore les stigmates de cette journée sombre à N’Zérékoré. Les traces de blessure sont visibles sur son corps. « Voyez mon corps, je suis blessé par tout. Imaginez le monde qui était là-bas ? Si on dit que tous ces gens ont marché sur toi et tu sors vivant, c’est une grâce », dit-il.
De l’autre côté du quartier Gbangana, Siba Koivogui, lui, a perdu sa fille qui faisait la 11ᵉ année dans cette tragédie. Une semaine après, les souvenirs sont encore douloureux.
« C’est à mon retour de la réunion que ma femme m’a appelé, qu’elle appelle notre fille, mais c’est quelqu’un d’autre qui répond. Elle a demandé à celui qui répond aux appels : Pourquoi le téléphone de ma fille est avec toi ? L’intéressé lui a répondu, si tu veux voir ta fille, vient à l’hôpital. C’est ainsi que ma femme m’a devancé et s’est rendue à l’hôpital. Elle est restée à chercher, elle l’a retrouvé parmi les blessés. Elle m’a aussitôt appelé, je suis venu, on a pris la petite pour l’amener au camp. Mais, une fois arrivés là-bas, ils n’ont pas accepté qu’on rentre avec la fille. Ils nous ont chassés. Pour sauver la vie de ma fille qui m’était chère, on a cherché à l’envoyer chez une connaissance qui est docteur. En cours de route, elle a rendu l’âme. Sa mort a créé un grand vide dans la fille. Depuis son décès, je ne me retrouve pas, même aller au travail, je ne peux pas », soutient-il avec tristesse.
Aujourd’hui, les victimes demandent justice. Les autorités compétentes de N’Zérékoré, ont ouvert des enquêtes afin de situer la responsabilité des auteurs de cette tragédie.
Niouma Lazare Kamano, depuis N’Zérékoré