La condescendance, le mépris et le dédain, l’Afrique ne connait que trop bien ces attitudes empreintes d’arrogance et d’orgueil. C’est sans doute pour quoi elle est particulièrement bien placée pour comprendre le sentiment d’humiliation que les Européens doivent éprouver après le traitement à eux réservé par la nouvelle administration américaine notamment dans le cadre de la résolution de la crise russo-ukrainienne. Même si l’indépendance somme toute symbolique de l’ensemble des pays africains remonte à au moins six décennies, il y a que dans leur rapport à l’Afrique, les anciennes puissances coloniales ont toujours continué à se comporter comme s’ils demeuraient encore les maîtres. Eh bien, c’est avec un brin d’amusement que l’Afrique voit ces prétentieux donneurs de leçons subir à leur tour cette offense de la part de Donald Trump, de J.D. Vance et d’Elon Musk. Il faut juste espérer qu’Emmanuel Macron, Georgia Meloni et Ursula von der Leyen, entre autres, en tireront les enseignements qu’il faut.
Le désintérêt de Trump pour l’Afrique, un soulagement
A voir le traitement que les Etats-Unis de Donald Trump réservent aujourd’hui aux dirigeants européens, bien de leurs homologues africains doivent secrètement être soulagés que le président américain ne s’intéresse pas à notre continent. En effet, comment aurions-nous réagi si le vice-président américain, comme il l’a fait le vendredi dernier à Munich, se mettait à dénoncer le recul de la liberté d’expression dans nos pays ? Qu’aurions-nous dit si Trump lui-même en venait à flétrir le fait que les Africains ne consentent pas assez d’efforts pour leur propre sécurité ? Tout de suite, les réseaux sociaux se seraient enflammés pour tresser des lauriers au dirigeant américain pour ses vérités et son supposé franc-parler. Parce que des jeunes du continent, subissant depuis trop longtemps une gestion chaotique de leurs pays par leurs dirigeants, auraient trouvé là l’occasion de verser leur trop-plein de colère, de frustration et de rancune longtemps contenues. Mais à l’inverse, les différents palais auraient sans doute opté pour le silence. Parce qu’aux critiques de Trump, on ne réserve pas les mêmes répliques cinglantes que celles qu’on a coutume de renvoyer à Emmanuel Macron. En cela, il n’y a pas qu’à se référer à la réaction plutôt molle et empreinte de conciliation des dirigeants sud-africains suite aux propos de Trump sur la réforme foncière que Cyril Ramaphosa entend mener dans son pays.
Une malheureuse expérience qui doit inspirer de l’humilité
Mais pour les Etats africains, cette attitude de Trump à l’égard du Vieux continent est quelque part perçu comme un clin d’œil du Ciel. En effet, pour une fois, les Européens doivent ressentir dans leur chair en quoi il est humiliant d’être pris de haut, de se voir trainer dans la boue et d’être assimilé à moins que rien. Eux qui, quand ils sont en visite chez nous, ont tendance à se comporter comme si les pays et les hommes leur étaient entièrement acquis, ont là l’occasion de mesurer le poids de ce que nous avons toujours enduré de leur part. Et s’ils sont doués de raison, cette malheureuse expérience devrait leur inspirer une certaine humilité dans leur rapport à l’autre.
Le monde régi par une logique de compétition
Mais ce n’est pas que l’Europe qui doit en tirer un certain message. L’Afrique, elle aussi, doit analyser ces évènements, si en tout cas elle entend faire évoluer ses rapports avec ses partenaires, qu’ils soient européens, asiatiques ou américains d’ailleurs. Ce à quoi nous assistons ces dernières semaines est une traduction d’une implacable réalité que les Africains se bornent cependant à ignorer royalement : à savoir que le monde est régi par une logique de rapport de force. Une règle dont une des manifestations est que les forts auront toujours tendance à se jouer des faibles. Alors, que l’on ne perde point notre temps à faire des plaidoyers, à susciter la compassion du monde à notre égard et à ressasser des thèses éculées tendant à nous présenter comme des être exclusivement mus par l’altruisme, l’empathie, la générosité et la charité. A certains égards, ces dispositions sont en chaque être humain, qu’il soit africain ou d’ailleurs. Mais elles sont surdéterminées par la logique de la compétition. Aussi, sortons de nos zones de confort, mettons-nous à l’œuvre, travaillons authentiquement et faisons-en sorte d’être parmi les meilleurs, les plus forts. N’attendons aucun cadeau d’un partenaire et soyons un peu plus exigeants avec nos propres dirigeants, construisons nos écoles et formons nos jeunes et enfants, édifions des structures sanitaires de qualité, développons notre agriculture, travaillons à l’industrialisation de nos pays et renforçons l’intégration africaine. Ces conditions sont la garantie de notre liberté, de notre véritable indépendance. Et si nous nous attelons à les réunir, nous nous donnons toutes les chances d’éviter que nos partenaires nous prennent de haut et nous méprisent.
Boubacar Sanso Barry