Ces derniers jours, face à la brusque dégradation de la situation sécuritaire dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC), on assiste à une forme de réveil de la communauté internationale. De partout, on s’agite. De Paris à Bruxelles, d’Addis-Abeba à Naïrobi. De New York à Washington, les communiqués et les déclarations ont la même tonalité. Tantôt on condamne, tantôt on s’indigne. Mais sur le terrain, la réalité, indicible, demeure. Dans le sillage de la progression incontestable des hommes du M23, appuyés par l’armée rwandaise, des morts, des blessés et des milliers de déplacés, désemparés. Les populations de Goma, prises entre deux feux depuis le dimanche soir et incapables de se frayer une sortie, sont particulièrement en proie à un supplice indescriptible. Privés de courant, d’eau et de nourritures, ils sont terrés dans leurs maisons, ils se savent hantés par une mort certaine. Parce que pour l’instant, aucune perspective de solution viable ne pointe à l’horizon.
Le M23 ragaillardi
Certes, çà et là, on évoque des ébauches de rencontres susceptibles d’aider à la relance de processus de paix en panne ou s’étant révélés inopérants. Mais pour le moment, rien qui incite franchement à un quelconque espoir. D’abord, parce que la rébellion du M23 et son parrain rwandais, ragaillardis par les derniers progrès sur le terrain, se montrent aujourd’hui plus gourmands que par le passé. Pour arriver en position de force autour d’une hypothétique table de négociation, ils espèrent au moins s’assurer le contrôle effectif de la ville stratégique de Goma. C’est pourquoi ils sont résolus à annihiler les ultimes résistances auxquelles ils font face depuis qu’ils sont entrés dans la ville avant-hier soir. Parallèlement, Corneille Naanga, le patron de l’Alliance du fleuve Congo (AFC), la branche politique du mouvement rebelle, commence à faire poindre de nouvelles ambitions dont celle de marcher sur Kinshasa. L’appétit vient en mangeant, dit-on !
Au Congo, la fierté
En face, les autorités congolaises, défaites sur le terrain militaire, font valoir une certaine fierté. Vu qu’il avait déjà signifié son refus catégorique de négocier avec le M23 que Kinshasa considère comme un groupe terroriste, Félix Tshisekedi essaie encore de s’y maintenir. Même s’il a conscience qu’il n’a plus de marges de manœuvre, il mesure tout aussi le risque qu’il court à faire des concessions prématurées. Son autorité en serait davantage affectée. Du coup, il préfère faire valoir une certaine fermeté dans le discours, tout en ne comptant plus que sur d’hypothétiques sanctions que la communauté internationale pourrait adopter contre le Rwanda.
Sous l’ombre du conflit Israël-Hamas
Sauf que cette communauté internationale, il ne faut guère compter dessus. D’abord, elle a assisté, impuissante, au pourrissement de la crise depuis la reprise des hostilités, en novembre 2021. Puis, ces dernières semaines, alors que quelques médias alertaient sur le danger que l’avancée rebelle faisait courir à toute la région, les principales chancelleries n’avaient d’yeux que pour la crise entre le Hamas et Israël. Et là, depuis que les choses se sont accélérées, en fin de semaine dernière, il n’y a aucune mesure d’envergure. Seules les troupes sud-africaines déployées au titre de la mission de la SADC ont essayé de stopper l’alliance entre les troupes rwandaises et le M23. Pour le reste, ce ne sont que des condamnations de principe.
Sempiternelles victimes
Le sort des Gomatraciens est d’autant plus désespéré que ni le sommet de ce mardi du Conseil paix et sécurité de l’UA, ni celui annoncé pour le mercredi par le président kenyan, n’offrent de perspectives réelles de résolution de la crise. Quant au processus de Luanda, tout le monde semble l’avoir subitement oublié. C’est dire que dans cette nouvelle flambée de violences dans l’est de la RD Congo, la désescalade, on en est loin encore. Malheureusement pour les populations congolaises, éternelles sacrifiées sur l’autel des intérêts sordides et sempiternelles victimes de ce qui aurait dû pourtant être un avantage comparatif pour ce vaste pays au cœur de l’Afrique centrale : ses immenses richesses.
Boubacar Sanso Barry