En mission de vulgarisation du projet de la nouvelle Constitution, une délégation gouvernementale, composée de quatre ministres de la transition, a rencontré ce mardi 22 juillet la presse locale à la Maison régionale de la presse de Kankan. Mais au-delà du discours officiel, les propos du ministre des Affaires étrangères, Dr Morissanda Kouyaté, ont laissé transparaître une certaine crispation vis-à-vis du travail des journalistes.
Prenant la parole, le chef de la diplomatie guinéenne a d’abord salué le parcours « exemplaire » de son collègue Fana Soumah, ministre de l’Information et de la Communication, qu’il décrit comme un modèle à suivre.
« Le ministre Fana a eu un parcours exemplaire avant d’être nommé. Il n’a sauté aucune étape. Il a travaillé dur. À vous d’en tirer l’exemple », a-t-il déclaré.
Sur la liberté de la presse, le ministre a tenu un discours pour le moins nuancé. Il affirme qu’elle est « totalement libre » en Guinée, mais conditionne cet espace de liberté à la responsabilité des journalistes.
« Les débats que vous voyez en France, en Grande-Bretagne, en Allemagne ou aux États-Unis sont menés par des journalistes qui mangent à leur faim, dont les enfants vont à l’école, et qui vivent dans des conditions stables. Ils peuvent se permettre de critiquer leur président parce que tout va bien chez eux. Mais ici, vous êtes journalistes en Guinée. Vous devez tirer le bon côté de ce que vous voyez à l’étranger, et non ramener ce qui est nuisible. Sinon, vous desservez votre pays. La presse est libre, mais elle doit être portée par des journalistes intellectuellement libres et responsables. Si vous racontez n’importe quoi sous prétexte de liberté, sachez que vous pouvez bloquer un projet national quelque part », a-t-il affirmé.
Et de conclure : « Vous n’êtes pas obligés de flatter qui que ce soit, pas même le président. Le peuple s’en charge déjà, et cela lui suffit ».
Dans une salle où plusieurs journalistes semblaient interloqués, ce discours a été perçu par certains comme un message d’intimidation. D’autres y voient un simple appel à l’éthique professionnelle. Reste que ce genre de sortie soulève une question cruciale : la liberté d’expression en Guinée est-elle garantie, ou conditionnée ?
Michel Yaradouno, depuis Kankan