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Gabon : la chasse aux étrangers, un faux remède face à un vrai problème

Le gouvernement gabonais a choisi, en d’août 2025, de fermer plusieurs activités du secteur informel aux étrangers : petits commerces, réparation de téléphones, coiffure de rue, orpaillage artisanal non autorisé, entre autres. L’argument officiel est clair : protéger l’emploi gabonais, valoriser la souveraineté économique et rééquilibrer le secteur informel au profit des nationaux.

Sur le papier, l’intention semble légitime. Dans un contexte marqué par le chômage des jeunes et la fragilité économique, il est tentant de réserver certains métiers aux citoyens. La loi n° 022/21 du 19 novembre 2021 sur le Code du travail posait déjà le principe de préférence nationale : « à compétence égale, priorité est accordée aux nationaux ». Le décret n° 0150/PR/MTLCC du 21 mars 2025 est venu fixer des quotas stricts pour les travailleurs étrangers : 10 % pour les cadres, 15 % pour les techniciens, 2 % pour le personnel d’exécution. La décision récente sur les petits métiers s’inscrit dans la même logique.

Mais cette politique pose une question fondamentale : interdire suffit-il à transférer des activités vers les Gabonais ?

La réponse est non. Rien, aujourd’hui, n’interdit à un Gabonais d’ouvrir une échoppe, de coiffer en bordure de rue, ou de réparer un téléphone. Si beaucoup ne s’y engagent pas, ce n’est pas parce que les étrangers monopolisent ces secteurs par la loi, mais parce que les conditions pour entreprendre restent précaires : manque de financements, absence d’accompagnement, rareté des formations techniques, poids des tracasseries administratives. Fermer la porte aux étrangers sans ouvrir la voie aux nationaux revient à déplacer le problème plutôt qu’à le résoudre.

Au-delà de l’efficacité économique, cette décision interroge sur le plan moral et politique. L’Afrique ne cesse de dénoncer — à juste titre — les restrictions imposées par l’Occident à ses ressortissants : durcissement des visas, barrières migratoires, contrôles humiliants. Comment alors justifier que, sur le continent, des Etats africains prennent des mesures similaires, visant à exclure d’autres Africains de leurs territoires ?

Cette logique de fermeture nourrit la méfiance entre peuples frères et fragilise l’idéal d’intégration africaine. Le Gabon, comme tant d’autres pays, s’inscrit pourtant dans des cadres régionaux — CEEAC, UA — qui prônent la libre circulation des biens et des personnes. Comment concilier ces engagements avec une pratique de plus en plus marquée par le repli ?

Au fond, ce que révèlent ces interdictions, ce n’est pas une stratégie économique aboutie, mais une politique de court terme, destinée à montrer une réaction immédiate à une opinion publique fatiguée par le chômage. Pourtant, l’histoire est claire : les nations ne se développent pas en érigeant des murs, mais en investissant dans leurs citoyens, en formant leur jeunesse, en créant les conditions d’une concurrence saine et équitable.

Fermer les petits métiers aux étrangers ne transformera pas la vie des Gabonais. Investir dans l’éducation, dans le financement des micro-entreprises, dans les infrastructures de marché, dans la simplification administrative : voilà les vraies clés pour que les jeunes Gabonais n’aient pas seulement la permission, mais aussi la capacité et l’envie d’occuper ces espaces économiques.

Car à l’heure où l’Occident verrouille ses frontières et réduit les opportunités pour les Africains, nous devrions être les derniers à nous fermer les uns aux autres.

Bibi Fodé

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