ledjely
Accueil » Cameroun/Côte d’Ivoire : deux parfaites « démocraties électorales »
A la uneAfriqueEDITO

Cameroun/Côte d’Ivoire : deux parfaites « démocraties électorales »

Lorsque, il y a cinq ans, la vague des coups d’Etat militaires a refait surface au cœur du continent africain, nombre d’observateurs et d’analystes ont vu dans ces évènements la conséquence directe de l’échec du processus de démocratisation en Afrique. Plus précisément, ils y ont perçu le reflet d’une « démocratie électorale » ou « démocratie formelle », une sorte de caricature du modèle démocratique, réduite à sa dimension la plus superficielle : l’organisation périodique d’élections. Des scrutins souvent bien ficelés sur le plan technique, mais dont le seul but est de permettre aux dirigeants en place de se fabriquer une légitimité factice et de s’offrir une caution légale face à la communauté internationale. Une démocratie de façade, donc, qui reste sans incidence sur la promotion des droits humains, l’indépendance de la justice ou la consolidation des institutions. Avec les résultats des présidentielles camerounaise et ivoirienne proclamés hier, on a bien l’impression que ces deux pays incarnent à la perfection ce concept de démocratie de pure forme.
Paul Biya et Alassane Ouattara viennent en effet d’être déclarés vainqueurs dans leurs pays respectifs, au terme de processus électoraux que leurs institutions nationales ont validés sans surprise. En apparence, tout s’est déroulé plutôt dans le calme et la légalité. Mais, à y regarder de plus près, la réalité est autrement plus nuancée.

En Côte d’Ivoire, par exemple, le président sortant, qui briguait un troisième mandat, a triomphé dans un contexte où ses principaux adversaires étaient exclus de la course. Le climat de tension qui en a découlé a conduit à des affrontements violents, faisant plusieurs morts à travers le pays. Et que dire de la légalité de ce quatrième mandat ? Selon la lecture du camp du chef de l’Etat ivoirien, il n’y aurait aucun problème de constitutionnalité, puisque la révision de 2016 a remis les compteurs à zéro. Ainsi, ce mandat ne serait pas le quatrième, mais le « deuxième de la Troisième République ». Cette argutie juridique, pour le moins habile, est une illustration parfaite des dérives de la « démocratie électorale » : la manipulation du droit pour légitimer la confiscation du pouvoir.

Le cas du Cameroun n’est guère différent. Là aussi, le président sortant, Paul Biya, 92 ans dont 43 passés à la tête de l’Etat, a pris soin d’écarter son principal challenger, Maurice Kamto. Mais comme cela ne suffisait pas, il pouvait compter sur un appareil électoral entièrement inféodé, un Conseil constitutionnel qui lui est solidaire et une administration aux ordres. Résultat : une victoire sans surprise, proclamée dans l’indifférence résignée d’une population fatiguée.

Ces deux scrutins rappellent que la démocratie, lorsqu’elle se réduit à une simple mécanique électorale, perd tout son sens. Ni la liberté de choix, ni l’alternance, ni la redevabilité ne sont garanties. L’Afrique, qui compte encore plusieurs dirigeants en place depuis des décennies, continue de donner l’image d’un continent où l’élection sert davantage à perpétuer le pouvoir qu’à le légitimer.

Cameroun et Côte d’Ivoire offrent ainsi l’illustration parfaite de cette illusion démocratique : des urnes bien surveillées, des chiffres bien alignés, et un peuple tenu à distance du vrai pouvoir. En somme, deux Etats qui, sous couvert de démocratie, perpétuent un système verrouillé : celui d’une « légitimité électorale » sans véritable consentement populaire. Or, ce sont ces manœuvres que le retour des coups d’Etat militaires était censé faire reculer. Décidément, il y en a qui font de la résistance.

Boubacar Sanso Barry

Articles Similaires

Alassane Ouattara réélu pour un quatrième mandat avec 89,77 % des voix

LEDJELY.COM

Mali : les cours suspendus sur tout le territoire à cause de la crise du carburant

LEDJELY.COM

Paul Biya réélu pour un huitième mandat à 92 ans

LEDJELY.COM

Cameroun : Paul Biya, le mythe fissuré

LEDJELY.COM

Attaque rebelle à Gueckédou : « une de mes cousines s’est faite engrosser par un chef rebelle » (témoignage)

LEDJELY.COM

Madagascar : l’ex-président Andry Rajoelina déchu de sa nationalité malgache

LEDJELY.COM
Chargement....