C’est une décision judiciaire synonyme d’un véritable séisme dans l’histoire de la France. Ce jeudi 25 septembre, le Tribunal correctionnel de Paris, reconnaissant l’ancien président Nicolas Sarkozy coupable d’association de malfaiteurs dans le dossier dit du financement illicite de sa campagne électorale de 2007, l’a condamné à 5 ans de prison ferme, assortis de l’exécution provisoire de la peine. C’est-à-dire que, pour la première fois dans l’histoire de la Cinquième République, un ancien président de la République française va goûter aux rigueurs de l’incarcération. Le coup est si rude que la droite française, en particulier, en est réduite à jeter les magistrats en pâture. Mais en Afrique, le verdict est perçu comme un coup d’œil du Karma. Pour le rôle qui a été le sien dans la mort de Mouammar Kadhafi et plus largement dans la déstabilisation de la Libye, avec les conséquences que l’on vit aujourd’hui dans le Sahel, la condamnation de Nicolas Sarkozy n’est que le reflet d’une justice à la limite divine.
Un point de vue diamétralement opposé
En France, certains estiment qu’entre la charge d’association de malfaiteurs, la seule finalement retenue, et la peine de 5 ans d’emprisonnement ferme infligée à l’ancien président, il y a une certaine disproportion. Le fait qu’au-delà, les juges aient décidé que la sentence serait exécutée de manière provisoire, avant même le procès en appel, passe quant à lui pour la marque d’une haine que les magistrats voueraient particulièrement à Nicolas Sarkozy. Le point de vue qu’on en a en Afrique est diamétralement opposé. Parce qu’aux yeux des Africains, Nicolas Sarkozy incarne d’abord l’arrogance et la condescendance, illustrées dans le discours de Dakar de juillet 2007.
Séjour XXL
Mais surtout, l’ancien président français représente, pour les Africains, la duplicité et la trahison. Que la justice n’ait pas réussi à établir la preuve de la corruption entre la Libye de Mouammar Kadhafi et l’équipe de Nicolas Sarkozy à l’époque des faits, on préfère ne pas s’y attarder. De Conakry à Djibouti et de Rabat au Cap, tout le monde croit que de l’argent a circulé entre les hommes de Kadhafi et l’équipe de campagne de l’ancien président français. Ce n’est pas parce que la justice n’a pas réussi à identifier de preuves que le pacte n’a pas existé. L’idée que le séjour XXL de l’ancien guide libyen en France, en décembre 2007, était la contrepartie des transferts de fonds entre Tripoli et Paris, est très largement partagée au sein de l’opinion publique africaine. Dès lors, la volte-face de Nicolas Sarkozy, qui avait consisté à prendre la tête de la coalition internationale ayant fini par tuer Kadhafi en février 2011, passe pour une trahison impardonnable. Moins que la corruption en tant que telle, c’est cette façon de se retourner de manière aussi inique contre son bienfaiteur d’hier que les Africains abhorrent chez l’ancien président français.
La déstabilisation du Sahel, circonstances aggravantes
Et bien sûr, avec le recul, on associe aussi plus personnellement Nicolas Sarkozy à la déstabilisation que connaît le Sahel depuis plus d’une dizaine d’années et qui, aujourd’hui, débouche sur le visage peu rassurant qu’offrent le Mali, le Burkina Faso et le Niger.
Un motif de soulagement
Ainsi donc, il ne faut guère s’attendre à ce qu’en Afrique, on s’apitoie sur le sort de l’ancien président. Tout au contraire, ce qui lui arrive aujourd’hui devrait servir de leçon à ceux qui seraient tentés de suivre son exemple. Finalement, il arrive que le sort se range du côté du faible. Un motif de soulagement dans un monde où très souvent, c’est le faible qui a tort.
Boubacar Sanso Barry


