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La tontine, une mutuelle informelle dont raffolent les femmes, mais dont se méfient les hommes

Loin de sa définition juridique, la tontine s’apparente dans nos sociétés à une mutuelle qui ne dit pas son nom. Particulièrement prisée par la gent féminine, elle est une entente informelle entre plusieurs personnes mettant en commun leurs biens ou capitaux, avec la possibilité d’un des membres de récupérer la mise au bout d’un délai convenu. Pour ceux qui y souscrivent, le mécanisme permet d’épargner afin de faire face à certaines charges (mariages, baptêmes) circonstancielles ou d’engager des projets d’une certaine envergure (lancer un commerce, faire un voyage d’affaire, acheter une parcelle, etc). Mais dans un pays comme la Guinée où les revenus sont aléatoires et les charges, imprévisibles, la tontine peut parfois se révéler très contraignante. Au point que dans les couples, les hommes ont tendance à soupçonner leurs épouses, le plus souvent sans aucune activité génératrice de revenu, de piocher dans la popote quotidienne pour honorer les engagements souscrits dans leur cadre de leur tontine.  

Mariama Diallo est commerçante et mère de famille. Dans sa robe bazin rose-bonbon et derrière le volant de sa BMW noire, elle renvoie une certaine réussite. En tout cas, quand elle traverse le marché de Foula Madina, elle ne passe jamais inaperçue. Mais son relatif succès dans les affaires, elle le doit surtout aux nombreuses tontines auxquelles elle appartient. « Je suis commerçante à Madina et je vends des habits pour femmes.  Je suis dans 3 tontines différentes, et pas des moindres », se vante ouvertement la quarantenaire. Qui poursuit : « La première tontine, c’est avec d’autres femmes commerçantes ou entrepreneures. Nous y versons 1 million tous les 10 jours. Au niveau de la deuxième, nous mettons 500 000 à la fin chaque mois. Là, c’est avec des copines à moi. Enfin, la troisième qui est au niveau de la famille, nous déboursons 300 000 par mois. Ce qui fait un total de près de 4 millions par mois ». Quant aux avantages qu’elle tire de ces cotisations, elle en donne un bout en s’appuyant sur la première tontine. Dans cette dernière, elles sont trente à déposer 1 un million tous les dix jours. Soit une mise de 3 millions par chacune à la fin du mois. « Celle qui prend à donc 90 millions. Dans mon cas, c’est ce montant qui m’avait aidée pour mon dernier voyage Conakry – Dubaï », explique Mariama Diallo.

Mais il n’y a pas que les femmes mariées qui recourent aux tontines. Ainsi, Fatoumata Traoré, elle, est célibataire. Mais elle a une fille. Le salaire qu’elle  récolte de son travail dans une agence de voyage à Kaloum, elle ne peut pas subvenir à ses besoins et à ceux de sa fille. C’est donc la tontine qui l’aide à boucher certains trous. « La scolarité de la fille par exemple me coûte près de 2.500.000 GNF par an. Je suis dans une tontine où je verse 200 000 par mois et où nous à 15 personnes Quand je prends mes 3 millions, je les mets de côté. Comme ça, à l’ouverture des classes, c’est plus facile », avoue-t-elle. Avant de conclure : « C’est une bonne façon d’épargner »

Maciré Camara est, elle aussi, le pilier de sa famille. Mère de 3 enfants dont des jumelles et avec un mari à la retraite, c’est à elle qu’incombe désormais l’essentiel des charges de la famille. Et pour faire face à une telle responsabilité, elle vend des sacs et des chaussures de friperie. Une activité dont les recettes sont très aléatoires. « Souvent, je passe toute la journée sans vendre une seule chaussure, et même quand je réussis à en vendre, je n’ai pas un bénéfice de 10 000 GNF ». Conséquence, poursuit-elle : « Avec 6 autres vendeuses, nous avons mis en place une tontine où chacune de nous verse 300 000 GNF par mois. Je prends 5000 GNF des 30 000 la dépense journalière que me remet mon mari et 5000 GNF dans mes bénéfices de chaque jour.  Puis qu’on est 7, celle dont c’est le tour prend 2 100 000 GNF ». « La dernière fois, c’est cet argent que j’ai utilisé pour payer les fournitures de mes jumelles qui vont en 2ème année du primaire », déclare-t-elle

Mais le fonctionnement se heurte souvent au refus de certains membres de déposer leur mise. Ce, contre quoi Fatou Keïta, 33 ans, fonctionnaire de l’administration et coordinatrice d’une tontine depuis deux ans, a un remède imparable. « Il y a des femmes qui, dès qu’elles prennent leur argent, refusent de déposer à leur tour. Ça finit souvent en queue de poisson ou même au commissariat. Mais avec moi, quand tu refuses de payer, on prend ta télé ou autre objet de valeur.  C’est la condition pour faire partir de la tontine », nous confie-t-elle d’un ton ferme.

Si comme on le voit, le phénomène des tontines aide à résorber de nombreux problèmes auxquels les femmes sont confrontées, les hommes en situation de couple ont, quant à eux, tendance à s’en méfier pourtant. Jeune marié, Mamoudou Diallo ne veut surtout pas en entendre parler. Selon lui, en effet, la pression qui sous-tend la tontine pousse les femmes à voler. « Je n’aime vraiment pas cette affaire de tontine, parce que les femmes qui ne travaillent pas prennent l’argent dans le peu de dépense qu’on leur donne ». Et la conséquence se ressent, à son avis, au niveau de la sauce servie le soir. « Et quand elles ont pris la dépense pour aller s’acquitter de leurs cotisations, elles vous font une sauce qui n’a aucun goût. Et le prétexte, c’est de dire que le marché est très cher.  Et c’est comme ça qu’elles apprennent à voler », explique-t-il un ton moqueur.

Asmaou Diallo

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