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Jacques Lewa Leno : « si je dois être journaliste, il faut qu’il y ait…» (Interview)

Espace TV comme plusieurs autres médias privés de Guinée à savoir Fim FM, Djoma FM et TV, Sweet FM, Espace FM n’émet pas depuis le mercredi 22 mai 2024. La chaîne de télévision comme les autres est accusée par le ministère de l’information et de la communication de ne pas respecter le « contenu des cahiers de charges ». Un retrait d’agrément qui  plonge ainsi les travailleurs au chômage. Cinq mois après cette décision, notre rédaction est allée à la rencontre du directeur général d’Espace TV, Jacques Lewa Leno, pour évoquer son quotidien désormais, mais également sa perception du métier de journalisme qui traverse ses heures les plus sombres en Guinée.  

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Ledjely : Depuis le 22 mai, Espace TV et Espace FM pour lesquels vous travailliez, à l’image des médias du Groupe Djoma et de FIM, sont fermés. Du coup, on peut dire que depuis, vous êtes au chômage. Comment vivez-vous cette situation ?

Jacques Lewa Leno : D’abord pour le groupe Hadafo médias c’est trois médias qui sont concernés Radio espace, espace TV et sweet FM donc ça fait plus d’un mois nous ne travaillons pas ce n’est plus une information ça se constate et plus les mois passent plus on s’habitue. Je crois que nous avons désormais à l’esprit que ce qui est arrivé pourrait possiblement perdurer ou prendre fin un jour surtout que nous savons où la solution peut venir.

A quoi vous consacrez désormais vos journées ? Vous êtes-vous converti dans une autre activité ?

Personnellement, je consacre ma vie à prendre des formations et faire d’autres activités qui ne sont pas liées à la pratique du journalisme en gros c’est ça.

Etes-vous en contact avec les autorités ? Y a-t-il des perspectives de relance de ces médias ?

Nous n’avons jamais eu de discussion avec ceux qui sont censés nous rencontrer.  Je pense aux membres du gouvernement, parce que c’est une décision gouvernementale. Nous avions introduit un recours gracieux à l’effet de faire remarquer au ministre que ce qu’il avait pris comme acte comportait des irrégularités et qu’il fallait revoir cela. Il y a également la haute autorité de la communication pour l’amener à jouer son rôle. Puisque c’était à elle de demander au ministère de prendre une telle décision. Après quelque temps, nous avons lu à travers reporter sans frontières que le président de la HAC a dit de prendre en compte ce que le ministre a dit. Ce qui, pour nous, voudrait tout dire, même s’ils n’ont pas voulu le faire de manière officielle, mais ils se sont forcément concertés avant d’agir.  Donc, depuis lors, nous n’avons pas eu de contact avec quelqu’un d’autre pour discuter. Pas parce que nous n’avons pas voulu, mais nous n’avons pas eu d’interlocuteur en face.

Avec le recul, comment analysez-vous cette décision des autorités ?

Moi, je ne vais pas m’aventurer sur ce que je ne maîtrise pas. Il y a ce que nous pensons, et nous l’avons clairement dit plusieurs fois. Nous avions un ton, nous avions la façon d’aborder les sujets d’actualité, et je crois qu’il ne plaisait pas. Alors, on a pris un acte qui a été motivé par le non-respect des cahiers de charges. Alors, ce sont les deux versions que nous avons là en face. Maintenant, ce qui devrait nous permettre de trancher tout ceci, c’est bien entendu soit les autorités judiciaires, soit le recul gracieux qu’on avait introduit, pouvant, bien entendu, avec une discussion bien franche, nous permettre de clarifier les choses. On n’a pas eu de retour par rapport à ça. Et donc, quelle analyse je peux bien faire ? C’est de maintenir la position que nous avons toujours eu au début du débat.

Quel impact cette décision pourrait-elle avoir sur la pratique du métier de journalisme en Guinée ?

Si je n’étais pas de l’autre côté de la caméra, peut-être que je vous aurais posé la question. Est-ce que ça change un peu aujourd’hui ? Parce que c’est vous qui êtes en train d’exercer.

Est-ce que la manière dont vous exercez aujourd’hui, ça vous plaît comme ça ? Est-ce que la façon dont vous abordez les sujets d’actualité, c’est comme ça que vous les abordiez avant le 22 mai ? Je crois que si j’étais de votre côté, j’aurais mieux compris. Parce qu’il y a des articles de presse que je lis. Je suis rarement à la télévision et à la radio, mais les articles de presse, puisque j’appartiens à beaucoup de forums, donc avec les partages, si je suis intéressé par un sujet, je l’ouvre et puis je lis.

Mais cela ne me donne pas tous les éléments pour apprécier ce qu’est aujourd’hui le journalisme dans notre pays. Personnellement, je ne regrette pas ce que j’ai fait de 2009, mais surtout de 2010 jusqu’au 22 mai 2024, de manière active dans les médias, que ce soit par la façon de choisir les angles de traitement, la façon de présenter les faits, la façon de commenter l’actualité, la façon de dénoncer. J’ai toujours cru et je continue à garder cette foi que j’ai exercé le métier conformément aux règles et principes du journalisme.

Maintenant, il y a toujours des erreurs qu’on peut commettre, il n’y a pas de professionnel parfait. Mais en gros, puisque je n’ai jamais été mis en accusation pour que cela soit prouvé par une institution judiciaire, en parlant de moi personnellement, je me dis que jusqu’au 22 mai j’ai exercé mon métier de manière responsable. Ce n’est pas parce que moi qui suis de Hadafo, je ne travaille pas depuis 4 ou 5 mois, que je vais refuser d’accepter que les autres exercent le métier comme ils l’exercent aujourd’hui, si en tout cas ils se plaisent bien dedans et si ceux qui consomment l’information apprécient bien la façon dont les sujets sont abordés, donc moi ça me va.

Plus précisément, dans l’hypothèse d’une relance de ces médias, pensez-vous que les journalistes et autres chroniqueurs réussiront à se réapproprier la passion, la liberté et l’engouement avec lesquels ils exerçaient jusqu’à ce 22 mai ?

Je ne peux pas parler au nom de tous les chroniqueurs pour ce qui me concerne, là encore je suis dans la réflexion personnelle, mais si je venais à reprendre mes activités, est-ce que comme je viens de vous le dire, ce que j’ai fait jusqu’au 22 mai n’a pas été sanctionné par la justice, n’a pas été considéré comme une transgression aux lois qui gouvernent notre pays, je ne vois pas pourquoi je devrais changer.

Maintenant les contextes peuvent amener bien entendu les patrons à redéfinir les contenus de leurs programmes, pour dire bon voici désormais ce qu’on peut faire, c’est ça les contenus éditoriaux, les patrons peuvent prendre la responsabilité de changer et tous ceux qui sont chroniqueurs qui veulent exercer dans ces médias-là, ont le libre choix de revenir en suivant les nouvelles directives qui vont être données par les patrons, j’ai dit ça comme ça.

Il appartient à chaque journaliste de dire librement oui j’accepte les nouvelles orientations que j’exerce, ou alors je n’accepte pas les nouvelles orientations donc je reste à l’écart. Je pense que c’est comme ça que ça fonctionne et ce n’est pas un manque de professionnalisme de la part des patrons de presse, de dire bon voici ce qu’était ma ligne éditoriale jusqu’au 22 mai, pour x ou y raisons, je change soit je fais évoluer ou alors j’enlève quelques ingrédients pour maintenir peut-être le factuel puisque c’est ce qui est actuellement dans la presse et puis ne pas aller sur les opinions etc.  Même si vous avez une opinion, vous gardez pour vous, vous n’exprimez pas.

Votre mot de la fin ?

Ce que je dis à tous ceux qui sont concernés par cette situation (Djoma Médias, Fim FM, Hadafo Médias) c’est de prendre du courage et en même temps de s’asseoir, chacun peut faire sa propre introspection, d’analyser la situation, d’abord à son niveau personnel mais également au niveau global.  Faire sa propre réflexion pour ce qu’est le métier, pour ce qu’est la pratique du métier dans notre pays, pour ce qui est de la relation que nous devons avoir avec les politiques, que ce soit ceux qui gouvernent ou ceux qui cherchent à gouverner.

Nous sommes dans une transition qui, contrairement à ce que nous aimons souvent dire, n’est pas conduite globalement par les militaires, ce sont des civils qui dictent aujourd’hui toutes les orientations. Il y a les militaires qui ont leur volonté et qui, bien entendu, sont très heureux de voir ce que les civils sont en train de faire, que ce soit ce qu’ils sont en train de prendre en termes de décision, que ce soit ce qu’ils sont en train de faire sur le terrain. Mais en gros, ce sont des civils et c’est comme ça depuis 1984.

Donc, je ne dédouane pas complètement les militaires, mais je me dis que si ça ne tenait qu’à eux, ça n’allait pas arriver. C’est parce que les civils le veulent et peut-être une partie de la population qui le veut, c’est pourquoi c’est arrivé, c’est pourquoi chacun doit s’asseoir pour réfléchir, pour dire est-ce que ce qui arrive me donne une leçon pour l’avenir. Mais également pour nos jeunes qui sont dans les écoles de journalisme et qui un jour veulent sortir, en espérant devenir des stars de la télévision ou bien de la radio ou de la presse en ligne, il faut déjà commencer des réflexions et puis partager.

Personnellement, je me dis que si je dois être journaliste, il faut qu’il y ait la liberté et la pluralité des opinions.

Interview réalisée par Mariama Telly Bah et N’Famoussa Siby

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