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François Lounceny Fall : « Je ne crois pas que les Guinéens acceptent aujourd’hui ce qu’ils avaient refusé au Capitaine Dadis » (Exclusif)

Ancien premier ministre et ancien ministre des Affaires étrangères, François Lounceny Fall est depuis quelques mois de retour dans l’arène politique, avec son parti l’Union nationale des patriotes de Guinée (UNPG). A ce titre, il observe, lui aussi, la gestion de la Transition et le moins qu’on puisse dire est qu’il n’en est pas totalement satisfait. Sans méconnaître les quelques progrès çà et là réalisés, dans cet entretien qu’il a accordé à la rédaction du Djely, il redoute et appréhende tout particulièrement le retour de certains travers en matière de violation des droits humains. La perspective de la candidature du général Mamadi Doumbouya, elle non plus, ne lui inspire rien de rassurant. Tout au contraire, il prévient un « mauvais présage ». C’est pourquoi il formule le souhait que le président de la Transition « ne se laisse pas entraîner sur cette voie ».

Liez plutôt

Ledjely.com : Cela fait trois ans que la Guinée est en transition, à la suite du coup d’Etat qui a renversé le président Alpha Condé. Quel bilan en dressez-vous ?

François Lounceny Fall : Il est peut-être trop tôt pour faire le bilan de cette transition. Au risque de faire une mauvaise appréciation, je préfère ne pas m’y aventurer.  Je me limiterai seulement à quelques observations seulement.

 Je note néanmoins que quelques progrès ont été enregistrés mais qui n’ont pas d’impacts réels sur l’amélioration des conditions de vie des citoyens.

Le lancement des travaux du mégaprojet de Simandou est très encourageant bien que nous ne connaissons pas encore les conditions et les bases qui ont soutenu les négociations avec les partenaires.

 Un effort est à fournir également pour venir à bout des soupçons de corruption dans la gestion du pays.

Suivant le compromis dynamique signé entre le CNRD et la CEDEAO, le retour à l’ordre constitutionnel doit intervenir au plus tard le 31 décembre 2024. Mais le premier ministre a déjà dit que cela ne sera pas tenable. Qu’en dites-vous ?

Sur le plan politique, selon la Charte de la Transition, cette transition doit arriver à son terme à la fin de cette année mais force est de reconnaître qu’en raison du retard constaté dans l’exécution du chronogramme de la transition, qu’il n’y aura pas d’élection à la date attendue.

Le Premier Ministre Bah Oury avait déjà donné le ton et ce n’est donc une surprise pour personne. Il reste à espérer qu’une nouvelle échéance sera annoncée.

Le président de la Transition s’était engagé que ni lui, ni aucun membre du CNRD ou des organes de la Transition ne briguerait un mandat électif. Mais de plus en plus de voix s’élèvent pour l’inviter à prendre part à la prochaine présidentielle. Quelle analyse en faites-vous ?

Les dispositions de la Charte de la Transition négociée avec la CEDEAO et acceptée par le CNRD et la classe politique sont très claires, quant à la non-participation des responsables de la Transition aux élections de fin de transition.

 Mieux, le Président du CNRD s’était engagé solennellement dans son serment de prise du pouvoir que ni lui, ni aucun membre du CNRD ou des organes de la Transition, ne briguerait un mandat électif.

Par ailleurs, notre pays a signé et ratifié comme plusieurs autres pays africains, la Charte Africaine sur la démocratie, les élections et la gouvernance, adoptée en 2007 et entrée en vigueur en 2012 et qui interdit la participation aux élections en fin de transition des responsables de la Transition.

Aujourd’hui, l’atmosphère qui prévaut dans le pays est celle d’une campagne électorale en faveur de la candidature du Président du CNRD au mépris de l’interdiction des activités politiques sur la place publique. Un mauvais présage.

Nous souhaitons que le Président du CNRD ne se laisse pas entraîner sur cette voie. Notre souhait est qu’il rentre dans l’histoire en conduisant la Guinée vers la restauration de l’ordre constitutionnel.

Comment expliquez-vous que les Guinéens qui avaient refusé la candidature de Moussa Dadis Camara puissent le consentir pour le général Mamadi Doumbouya ?

Méfiez-vous des apparences. Les Guinéens dans leur grande majorité aspirent toujours à vivre dans un régime démocratique qui puisse leur apporter un mieux-être.

 Quand on compare la classe politique de 2009 à celle de maintenant, on se rend clairement compte qu’il y a une grande différence.

La classe politique de 2009 était constituée de personnalités très fortes qui avaient mené un long combat pour la restauration de la démocratie en Guinée. La plupart de ces personnages vivent aujourd’hui en exil volontaire ou involontaire et ne sont plus directement sur la scène politique nationale. Mais je ne crois pas que les Guinéens acceptent aujourd’hui ce qu’ils avaient refusé au Capitaine Dadis en 2009. Le contexte est certes différent mais l’aspiration des guinéens demeure la même, mettre le pays sur les rails d’une démocratie véritable et du développement.

Depuis le 9 juillet dernier, Foniké Menguè et Billo Bah, deux responsables du FNDC, sont introuvables. Près de quatre mois après, leurs familles sont sans nouvelles d’eux. Que devrait faire l’opposition pour aider à les retrouver ?

Sur le plan du respect des libertés fondamentales, nous nous sommes déjà préoccupés pour certaines questions importantes concernant le respect de la liberté de presse et des enlèvements et disparitions de personnes, notamment de Fonike Mangue et de Billo Bah.  Il faut éviter à notre pays d’être rattrapé par son passé marqué par des enlèvements nocturnes, des disparitions et des exécutions extra judiciaires. Nous demandons au gouvernement de redoubler d’efforts pour retrouver ces deux personnes dont le sort intéresse la communauté nationale et internationale.

Sidya Touré et Cellou Dalein Diallo, anciens premiers ministres et leaders politiques comme vous, sont depuis des mois à l’extérieur du pays. Pour vous, sont-ils en exil comme l’entendent certains de leurs partisans ?

Concernant précisément Sidya Touré et Cellou Dalein Diallo, je ne peux pas parler à leur place car je ne suis pas dans leur confidence.

Ils appellent à la mobilisation de tous les Guinéens en vue de contraindre les autorités de la Transition à aller vers le retour à l’ordre constitutionnel. Vous sentez-vous concerné par cet appel ?

Notre parti a clairement indiqué qu’il ne participera à aucune activité qui mettrait en péril la vie des populations. J’ai consacré une bonne partie de ma vie au service de la résolution des conflits et de la paix dans plusieurs pays africains au compte des Nations unies. Dans ce cadre, j’ai toujours prôné le dialogue au détriment de la violence. Comment pourrais-je faire autrement ou faire le contraire dans mon propre pays ?  J’aspire profondément au changement en Guinée.  Le slogan de notre parti veut tout dire :  ‘’Œuvrer pour mettre fin au Paradoxe guinéen’’ pour donner enfin la chance à nos compatriotes de profiter des immenses potentialités de notre pays et de partager la prospérité à laquelle ils ont légitimement droit.

L’OIF a récemment levé la suspension qu’elle avait adoptée contre la Guinée. Une décision qui a surpris de nombreux observateurs, au regard des nombreuses violations des droits humains imputées aux autorités de la Guinée. Vous qui êtes diplomate, comment réagissez-vous à cette levée de sanction ?

Je trouve la dernière décision de l’OIF inopportune et contraire aux fondements de l’Organisation et de la Déclaration de Bamako, la transition guinéenne n’ayant pas encore donné des signes évidents et irréversibles pour le retour à un ordre constitutionnel normal.  Cette décision prématurée a donné lieu à plusieurs interprétations qui n’honorent pas l’idéal de la Francophonie, un espace de liberté, de respect des valeurs démocratiques et de partage de l’esprit francophone au profit de l’émancipation de nos peuples.

Concernant la prochaine élection présidentielle en Guinée, notre parti n’a pas encore pris de décision. Nous nous y préparons néanmoins et venons de tenir le congrès de notre parti les 12 et 13 octobre derniers et qui a réuni les responsables des 33 communes de l’intérieur du pays et des 13 Communes de Conakry. Une manière de passer en revue nos forces avant les échéances électorales à venir. Nous avons échangé largement sur la situation intérieure du pays, sur le contenu de la future constitution et sur le renforcement des bases de notre parti à l’intérieur du pays. A l’issue d’échanges francs nous avons décidé d’attendre pour mieux apprécier le contexte dans lequel ces élections vont se tenir avant de nous prononcer. Nous sommes confiants que nous bénéficions d’une large adhésion des populations qui nous font confiance, mais nous devons rester lucides avant de nous engager.

Nous attendons de connaître les règles du jeu, en d’autres termes, les conditions de l’organisation d’une élection démocratique, transparente et crédible.  Dans tous les cas, nous souhaitons sincèrement que notre pays, considéré comme le pays des occasions manquées, aura cette fois-ci l’opportunité de relever le défi pour se doter enfin d’un leadership à même de mettre fin à ce long errement pour résoudre ses difficultés et le mener vers la démocratie, le progrès et la prospérité.  Nous ferons connaître notre position sur cette question en temps opportun.

Propos recueillis par N’Famoussa Siby

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