La dépendance alimentaire est une problématique complexe qui concerne un nombre croissant d’individus. Tout comme l’alcool ou la nicotine, elle se manifeste par une incapacité à maîtriser sa consommation de certains aliments. Cette forme de dépendance ne touche pas uniquement la santé physique, elle a aussi des répercussions significatives sur le bien-être psychologique et social. Aïssatou Koné en est un exemple : elle est accro aux boissons énergétiques.
« Au début, c’était juste pour tenir le coup pendant mes journées, vu que j’évolue dans l’alimentation générale, à la fois mère de famille, et je travaille à distance en tant que comptable pour les établissements environnants. Du coup, lorsque je bois une canette, cela me donne un coup de boost incroyable », nous confie-t-elle, le visage plein d’émotions.
Ce qui n’était initialement qu’un recours occasionnel pour préserver un rythme accéléré s’est transformé en une dépendance sournoise. Depuis 2017 jusqu’à présent, il lui est indispensable de prendre une canette chaque matin pour avoir une journée normale.
« Pour être franche, cela fait 8 ans maintenant. Au début, je le prenais juste pour un plaisir, j’étais loin d’imaginer l’effet que cela pouvait avoir sur mon quotidien. Aujourd’hui, il m’est impossible d’avoir une matinée normale sans avoir bu une canette de boisson énergétique. Il me faut le boire les minutes qui suivent mon réveil. Sinon, je me sens chamboulée et complètement déséquilibrée », ajoute-t-elle.
Malgré ce changement de comportement alimentaire, Aïssatou Koné ne se souvient pas avoir été diagnostiquée avec des problèmes de santé liés à la consommation de boissons énergétiques, du moins pas jusqu’au jour où nous avons fait sa rencontre.
Quant à elle, Mariama Ciré Diallo, mère d’une fillette de deux ans, confie éprouver une attirance irrésistible pour les céréales infantiles. Un penchant qu’elle qualifie d’une grosse faiblesse, laquelle devenait sujet de discussion souvent avec son mari, lorsqu’elle allaitait son enfant.
« L’aliment pour lequel j’ai un gros faible, ce sont les céréales infantiles. Dès que je vois, j’ai carrément de l’eau à la bouche. Quand j’ai eu ma fille et que j’ai commencé à manger sa nourriture, il arrivait que je me prenne la tête avec mon mari, parce qu’il me reprochait de finir la céréale du bébé, vu qu’il achetait une boîte tous les trois jours . Pour un premier temps, c’était gênant, mais ça ne peut rien changer et je crois qu’il l’a finalement compris. Parce que sincèrement, je ne peux pas m’en défaire », témoigne-t-elle.
Selon le Dr Ben Youssouf Keïta, médecin généraliste, l’excès, même pour un aliment préféré, peut être dangereux. Le consommateur risque de compromettre sa santé en négligeant ses besoins et en prenant des risques inconsidérés.
« Lorsque c’est comme ça, les risques sont que la personne concernée peut faire même l’impossible pour assouvir son besoin et courir des risques inconsidérés, puis nuire à sa propre santé en abusant de la consommation de son aliment préféré au-delà de la norme. Rappelons que l’abus de toute chose est néfaste », explique-t-il.
Selon Adama Hawa Diallo, assistante au centre de récupération et d’éducation nutritionnelle (CREN) à l’Institut de nutrition et de santé de l’enfant de Donka, des éléments tels que la génétique, l’environnement, le stress et le régime alimentaire contribuent tous à l’apparition de cette dépendance. Une raison de plus, « il est conseillé d’avoir plus de renseignements sur ce que nous consommons. Que ce soit des produits importés ou locaux. Il faut toujours chercher à savoir si c’est bon pour notre santé, si nous en sommes compatibles. Si ce n’est pas le cas, il ne faut même pas prendre le risque de s’y aventurer jusqu’à en créer une addiction. Les conséquences, comme les crises d’AVC, sont prévisibles », soutient-elle.
La dépendance alimentaire est un phénomène aux multiples facettes, qui ne se réduit pas à une simple question de volonté. Les facteurs biologiques, psychologiques et sociaux interagissent de manière complexe. Cependant, si des progrès ont été réalisés dans la compréhension de ce trouble, le défi de la déconstruction des stéréotypes qui y sont associés reste encore à relever.
JRI de l’ombre