Moins de deux mois après son ouverture, le 9 juillet dernier, le procès de l’ex-ministre congolais de la Justice, Constant Mutamba, a connu son épilogue ce mardi 2 septembre. Accusé de détournement de près de 20 millions de dollars dans le cadre d’un projet de construction d’une prison à Kisangani, l’ancien candidat à la présidentielle de décembre 2023 a été reconnu coupable par la Cour de cassation de Kinshasa. Il écope de trois ans de travaux forcés et de cinq ans d’inéligibilité à toute fonction publique. Au vu des arguments du ministère public et de la ligne de défense adoptée par l’ancien ministre, le verdict n’a rien de surprenant. Mais il faut reconnaître qu’à Kinshasa, et même à Kigali, nombreux étaient ceux qui attendaient avec impatience une telle issue.
Une défense peu convaincante
Tout au long du procès, Constant Mutamba s’est présenté comme la cible d’une cabale politique. Il a accusé la Première ministre, Judith Suminwa Tuluka, d’avoir orchestré ses déboires. Dans sa lettre de démission adressée en juin dernier au président Félix Tshisekedi, il avait déjà dénoncé des représailles liées à ses velléités de poursuites judiciaires contre des responsables de la rébellion du M23 et même contre le président rwandais Paul Kagamé.
Mais cette stratégie n’a pas suffi à lever les soupçons. En avril dernier, Mutamba avait en effet ordonné le transfert de plus de 19 millions de dollars à Zion Construction, société curieusement bénéficiaire du projet de construction de la prison par procédure de gré à gré. Créée seulement en mars 2024, l’entreprise n’avait aucune expérience dans le domaine. Plus troublant encore, le transfert a été effectué le lendemain de l’ouverture du compte censé recevoir ces fonds. Le ministère public affirme en outre que la somme provenait du Fonds d’indemnisation des victimes des activités illicites de l’Ouganda en RDC (1998-2003). Autant d’éléments qui ont pesé lourd face à la thèse d’une instrumentalisation politique.
Un ministre qui s’était fait trop d’ennemis
Pour autant, il serait naïf d’ignorer que Constant Mutamba comptait de nombreux adversaires, prêts à le voir tomber. Nommé en mai 2024, il s’était vite fait remarquer par son ton populiste, ses déclarations tonitruantes et sa volonté d’en découdre avec le corps des magistrats. Sa popularité grandissante agaçait jusque dans son propre camp, tandis que sa défiance à l’égard de la Première ministre avait fini par tendre leurs relations.
A l’extérieur, son hostilité ouverte envers le M23 et ses critiques à peine voilées contre Paul Kagamé font que ces derniers doivent se réjouir du sort qui est aujourd’hui le sien. Quant à Joseph Kabila et son entourage, ils n’avaient aucune raison de ménager celui qui avait initié une procédure judiciaire visant directement l’ancien président.
Victime ou bourreau ?
Constant Mutamba n’est sans doute pas le « doux agneau » qu’il tente de présenter. Mais sa condamnation illustre aussi comment ses provocations, son excès de zèle ou sa naïveté ont fini par se retourner contre lui. Reste une question : s’il est bien coupable des faits reprochés, certains de ses ennemis n’ont-ils pas profité de ses faux pas pour précipiter sa chute ? En tout cas, en RD Congo, ce n’est pas tous les jours qu’un sentence aussi sévère est prononcée pour une tentative de détournement qui n’a finalement pas abouti.
Boubacar Sanso Barry