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SOGUIPAH : Amnesty International dénonce « des salaires à en pleurer »

La section guinéenne d’Amnesty International a officiellement lancé, ce jeudi 23 octobre, à la Maison commune des journalistes à Conakry, un rapport accablant sur les conditions de travail au sein de la Société guinéenne de palmiers à huile et d’hévéas (Soguipah). Intitulé « Des salaires à en pleurer : atteintes aux droits des travailleurs liées aux activités de la Soguipah en Guinée », ce document met en lumière de sérieuses atteintes aux droits économiques et sociaux des employés et des planteurs affiliés à cette entreprise publique.

Fruit d’une enquête de terrain menée par Amnesty International, le rapport révèle que les travailleurs des plantations et de l’usine de la Soguipah, basée à Diécké, dans la région de Nzérékoré, sont rémunérés en dessous du salaire minimum interprofessionnel garanti (SMIG).

Ces employés, souvent affectés à des tâches pénibles, ne bénéficieraient pas non plus d’équipements de protection individuelle adaptés, les exposant ainsi à des risques sanitaires liés à la manipulation de produits chimiques ou au travail en usine.

Le rapport note également que la Soguipah achète le latex et les produits issus des plantations familiales à des prix inférieurs à ceux du marché, fragilisant davantage les petits producteurs déjà confrontés à une inflation élevée et à des conditions de vie précaires.

Dans sa communication, Thierno Souleymane Sow, directeur exécutif d’Amnesty International-Guinée, a précisé que l’élaboration de ce rapport s’est faite dans un climat de grande prudence en raison de la peur qui règne parmi les travailleurs.

« La priorité pour nous, c’est d’abord d’assurer la sécurité de ces personnes, surtout dans une situation de peur aujourd’hui généralisée. Lors de nos missions de terrain, les travailleurs étaient très frileux à l’idée de s’exprimer. C’est pourquoi nous avons recueilli leurs témoignages en dehors des sites, afin de garantir leur sécurité. Les personnes qui ont témoigné ont été dûment documentées. Nous avons déjà rencontré la ministre de l’Agriculture, et nous espérons aussi échanger avec le directeur de la Soguipah pour voir quelles mesures peuvent être prises pour rétablir les droits de ces travailleurs », a-t-il expliqué.

Selon lui, ce rapport ne vise pas à stigmatiser, mais à favoriser un dialogue constructif entre les autorités, l’entreprise et les acteurs de la société civile, afin d’améliorer durablement les conditions de travail dans les plantations et les usines de la Soguipah.

Prenant la parole à son tour, Fabien Offner, chercheur senior à Amnesty International, a appelé le gouvernement guinéen à ouvrir sans délai une enquête indépendante, complète et objective sur les abus documentés.

« Cette enquête doit être menée de bonne foi, en garantissant la confidentialité des informations recueillies et la protection des travailleurs contre toute forme de représailles », a-t-il insisté.

Le chercheur a également rappelé que la Guinée a l’obligation, au titre de son Code du travail et des conventions de l’Organisation internationale du travail (OIT) qu’elle a ratifiées, de garantir le respect du SMIG et de protéger les droits fondamentaux des travailleurs.

« Nous avons consulté une trentaine de bulletins de salaire. Pour les catégories les moins rémunérées : manœuvres, ouvriers agricoles, ouvriers d’usine  le salaire de base est très souvent inférieur au SMIG. Cela soulève de sérieuses inquiétudes sur le respect de la législation nationale. C’est pourquoi nous demandons que l’Inspection du travail mène une enquête pour mesurer l’ampleur du non-respect du SMIG au sein de cette entreprise », a ajouté Fabien Offner.

Il a par ailleurs regretté que l’Inspection du travail n’ait pas répondu aux sollicitations d’Amnesty International, alors que son rôle de contrôle est crucial pour faire respecter la loi.

Dans ses recommandations, Amnesty International appelle les autorités guinéennes et la direction de la Soguipah à prendre des mesures immédiates pour corriger les violations constatées et prévenir toute récidive.

L’organisation formule notamment les propositions suivantes :

  • Appliquer sans délai le SMIG à tous les travailleurs de la Soguipah et sur l’ensemble du territoire national, conformément à l’article 241.7 du Code du travail et aux conventions internationales ratifiées par la Guinée.
  • Garantir aux planteurs familiaux un prix d’achat équitable pour le caoutchouc, les noix de palme et l’huile de palme, aligné sur les prix du marché, afin de leur assurer un revenu décent.
  • Rendre publics les contrats et conventions qui régissent les relations entre la Soguipah et les planteurs, souvent inaccessibles aux principaux concernés.
  • Renforcer la santé et la sécurité au travail en fournissant des équipements de protection individuelle adaptés, régulièrement renouvelés, et en améliorant l’accès aux soins médicaux dans les centres de santé de l’entreprise.
  • Garantir la liberté d’expression et d’association des travailleurs, conformément aux lois guinéennes et aux instruments internationaux relatifs aux droits humains.
  • Permettre à l’Inspection du travail d’effectuer régulièrement des missions de contrôle à la Soguipah afin de constater les conditions réelles sur le terrain.
  • Mettre en œuvre les Principes directeurs des Nations unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme, en instaurant une procédure de diligence raisonnable pour identifier, prévenir et atténuer les impacts potentiels de l’entreprise sur les droits humains.

Amnesty International conclut son rapport en appelant à une prise de conscience collective sur la responsabilité sociale des entreprises publiques et privées opérant en Guinée. Selon l’organisation, le respect des droits des travailleurs n’est pas seulement une obligation légale, mais un impératif moral et économique pour assurer un développement durable et inclusif dans le pays.

« Nous exhortons la Soguipah et les autorités à garantir un environnement propice à la liberté d’expression et aux revendications légitimes des travailleurs, conformément au droit guinéen et au droit international », a souligné le rapport.

Ce document, fruit d’un long travail de terrain et d’analyse, vient relancer le débat sur la gouvernance sociale des entreprises publiques en Guinée, et pourrait inciter les autorités à revoir les mécanismes de contrôle et de transparence dans le secteur agro-industriel.

Aminata Camara

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