En ce 31 octobre 2025, veille du 67ème anniversaire de la création de l’armée Guinéenne, une cérémonie empreinte de solennité et d’émotion s’est déroulée au camp Samory Touré, siège du Ministère de la Défense nationale. L’événement était consacré au dépôt officiel d’un portrait en hommage à N’Famara Keïta, le tout premier Secrétaire d’État à la Présidence chargé de la Défense nationale (1958-1960) et l’un des pères fondateurs de l’institution militaire. En présence de plusieurs hauts cadres de l’armée et de la famille de l’illustre disparu, cet acte marque une étape significative dans la réhabilitation de la mémoire collective du pays.
Né vers 1924 à Molota, dans la préfecture de Kindia, N’Famara Keïta fut un compagnon de l’indépendance et une figure politique et administrative de premier plan. Avant même l’indépendance, il s’illustre en étant élu maire de la ville de Kindia en 1956, lors des élections municipales qui virent également l’élection d’Ahmed Sékou Touré à Conakry et de Saïfoulaye Diallo à Mamou. Membre indéfectible du Bureau politique du PDG-RDA de sa création jusqu’en 1984, sa carrière au service de l’État fut ininterrompue.
Dès l’accession de la Guinée à la souveraineté le 2 octobre 1958, le président Sékou Touré lui confia le poste Secrétaire d’État pour piloter la création de l’armée. C’est à ce poste qu’il élabora, aux côtés du Capitaine Noumandian Keïta, nommé premier Chef d’État-major général, la structuration de l’armée, notamment l’ordonnance fondatrice N°23/PRG du 16 décembre 1958 portant création de l’Armée nationale, et qu’il rédigea les premiers statuts militaires.
C’est cet héritage que sa petite-fille, Mariame Keïta, est venue rappeler dans un discours poignant.
« J’ai l’immense honneur de prendre la parole au nom de la famille de N’Famara Keïta pour rendre hommage à un homme dont le nom est indissociable de l’histoire militaire et politique de la Guinée », a-t-elle déclaré. Elle a décrit son grand-père comme un homme de rigueur, de loyauté et de discrétion, soulignant la relation fraternelle qui le liait au président Sékou Touré. Saluant une initiative sur laquelle elle travaille depuis plus de deux ans, elle a transmis un message à la jeunesse.

« Que le patriotisme n’est pas qu’un mot, mais une attitude. Que servir son pays, c’est savoir rester fidèle, humble et juste, même dans le silence », a-t-elle affirmé.
La reconnaissance de l’institution militaire fut tout aussi forte. Ansoumane Toumany Camara, directeur de la Direction de l’information et des pelations publiques des armées (DIRPA), a salué la persévérance de Mariame Keïta.
« il est difficile de notre temps de voir une dame de son âge s’intéresser à l’histoire du pays. Je pense qu’aujourd’hui, elle va bien dormir puisque c’est un rêve qui a été réalisé », a-t-il indiqué. Il a inscrit cet hommage dans la volonté du ministère de reconnaître tous ceux qui ont servi la patrie, citant en exemple la récente décoration de six vétérans guinéens de la guerre d’Angola.
Représentant le Ministre de la Défense, le Général de Corps d’Armée David Haba, Directeur de Cabinet, a confirmé que cette démarche s’inscrivait parfaitement dans la « semaine du soldat » et dans « la vision de la République qui cherche à reconstruire le passé de cette armée ». Il a rappelé d’autres actions mémorielles, comme la réhabilitation des tombes des « Kaman Diaby et ses compagnons » à Fasia en 2022. Le Général Haba a insisté sur la nécessité de pérenniser cette histoire au-delà de la tradition orale.
« L’oralité, vous le savez, c’est ce que l’on dit et l’écrit reste. Et le verbe s’envole », a-t-il souligné, assurant à la famille que la DIRPA et la Direction du patrimoine historique travailleraient avec elle pour documenter rigoureusement cet héritage.
Le parcours de N’Famara Keïta fut en effet celui d’un grand serviteur de l’État, occupant sans discontinuer des postes ministériels clés de 1958 à 1984 : Ministre du plan (lançant le premier Plan Triennal en 1960), Ministre du commerce, Ministre délégué en Guinée Forestière et en Moyenne Guinée, ou encore Ministre de l’énergie et de Konkouré. Cet hommage revêt une dimension qui touche l’histoire guinéenne. Après le coup d’État du 3 avril 1984, N’Famara Keïta fut arrêté par les putschistes. Il rendra l’âme en détention, à la prison de Kindia, la ville dont il fut le maire,le 2 septembre 1984.

Ce 31 octobre 2025, plus de 41 ans après sa mort, la République de Guinée, à travers son armée, vient de lui rendre justice et de lui redonner la place qui lui revient, assurant que son nom, comme l’a souhaité sa petite-fille, « ne sera plus jamais oublié ».
Thierno Amadou Diallo


