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Guinée : drames en série, traumatismes ignorés, l’appel d’un psychologue à l’État

Depuis le mois de juillet, la Guinée est frappée par une succession de drames liés aux inondations et aux éboulements. Des familles entières décimées, des habitations détruites, des biens réduits en poussière… La liste des catastrophes s’allonge, plongeant le pays dans la tristesse et l’angoisse. Dans la nuit du 30 au 31 juillet dernier, de violentes pluies ont inondé plusieurs quartiers de Conakry et de l’intérieur du pays. Le 19 août, c’est Dubréka qui a été frappée par un éboulement meurtrier ayant coûté la vie à quatre personnes. À peine 24 heures plus tard, dans la nuit du 20 août, la commune de Manéah, préfecture de Coyah, a connu l’un des pires drames récents : un glissement de terrain ayant fait de nombreuses victimes et des dégâts matériels considérables. Au-delà des pertes visibles, un autre mal, plus silencieux, ronge les survivants : le traumatisme psychologique. Pourtant, cette dimension reste quasi absente des dispositifs d’urgence en Guinée.

Dr Alhassane Chérif, psychologue clinicien interrogé par Ledjely.com, tire la sonnette d’alarme : « Dans tous les drames, il y a ce qu’on appelle une cellule psychologique. Elle consiste à mettre en place une équipe de psychologues spécialisés pour soutenir les personnes impactées. Mais en Guinée, ça n’existe pas dans la pratique ».

Selon lui, les catastrophes créent inévitablement des traumatismes. Certains rescapés parviennent à s’en relever, mais d’autres restent prisonniers de la douleur.

« Parmi les victimes, certains ont non seulement perdu leurs biens, mais aussi des êtres chers. Ce traumatisme doit être travaillé sur le long terme. Sans suivi, l’angoisse, l’insomnie, la dépression deviennent inévitables », explique-t-il.

Pour Dr Chérif, l’absence de prise en charge psychologique traduit un manque de considération des autorités.

« Ce ne sont pas les psychologues seuls qui peuvent tout faire. Il faut un dispositif mis en place par l’État. Mais malheureusement, nos autorités ne voient pas ça comme une priorité », regrette-t-il.

Il rappelle pourtant que lors des grandes crises sanitaires comme Ebola ou le Covid-19, il avait, avec son association, initié des suivis psychologiques avec l’appui d’ONG internationales. Mais ces expériences n’ont pas été pérennisées par les autorités nationales.

Le cas de Manéah illustre tragiquement la situation. Certaines victimes y ont perdu toute leur famille.

« La perte de biens matériels, la perte d’êtres chers… Tout cela ne laisse pas les gens en paix. Ces personnes doivent être prises en charge par un psychologue, par quelqu’un capable de les soutenir sur le plan émotionnel. Sinon, je ne sais pas comment elles pourront s’en sortir. Même avec un accompagnement psychologique, il leur faudra du temps pour surmonter cette épreuve. Je ne parle pas de guérison car on ne peut pas oublier, mais d’un dépassement de la situation. Elles doivent comprendre que, malgré la perte d’êtres chers et de biens précieux, elles sont encore en vie. Il est donc essentiel qu’elles se reconstruisent, qu’elles se rétablissent en tant qu’êtres humains afin de pouvoir avancer dans la vie. Sinon, elles risquent de rester prisonnières du sentiment que tout est terminé. Cela commence par un désespoir total, puis surgissent l’anxiété, l’angoisse, l’insomnie… et inévitablement, la dépression », prévient le clinicien.

Pour lui, il est urgent que l’État guinéen intègre la prise en charge psychologique dans la gestion des catastrophes.

« Les institutions internationales ont compris l’importance du soutien psychologique. Le citoyen guinéen aussi commence à en voir l’utilité. Mais il faut que l’État assume ses responsabilités et intègre cette dimension dans les politiques de santé publique », a-t-il souligné.

Alors que les catastrophes naturelles se multiplient, la Guinée ne peut plus se contenter de compter ses morts et d’enterrer ses blessés visibles. Il y a aussi les cicatrices invisibles, celles des survivants, qui, sans soutien, risquent de ne jamais guérir.

N’Famoussa Siby

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